Le Parlement européen a jugé qu’il fallait avoir au moins 16 ans dans l’Union européenne pour accéder aux réseaux sociaux. Mais cette prise de position n’est pas juridiquement contraignante. Elle envoie, cependant, un signal à la Commission et à tout le continent.
C’est un vote avant tout symbolique, mais dont la portée politique est notable. Le 26 novembre 2023, le Parlement européen a adopté en session plénière une résolution appelant à fixer à 16 ans l’âge minimum harmonisé dans l’Union européenne pour accéder aux réseaux sociaux, afin de régler une fois pour toutes les inquiétudes liées à la santé mentale et physique des mineurs.
Ce texte, voté par 483 voix pour, 92 contre et 86 abstentions, n’est pas juridiquement contraignant. Il envoie en revanche un signal fort à la Commission européenne, qui doit veiller à la bonne application du Digital Services Act (DSA), texte européen qui s’impose aux États membres de l’UE et qui exige de mieux protéger les mineurs sur le Net.
De facto, le Parlement européen réclame à Bruxelles qu’elle accentue ses efforts contre les plateformes numériques, dans un contexte où les preuves de l’impact délétère de l’usage des réseaux sociaux par les enfants s’accumulent — ce problème n’est pas spécifique aux réseaux sociaux : il concerne le temps passé devant la TV, un smartphone ou une tablette, en général.
Appel à en finir avec les « stratégies manipulatrices » des réseaux sociaux
La résolution votée le 26 novembre 2023 ne vise pas une plateforme unique. Mais il est clair que les eurodéputés avaient en tête les géants du réseautage, tels YouTube, Instagram, TikTok, Snapchat, dont certains fonctionnent avec des algorithmes de recommandation qui captent fortement l’attention et cela en affichant des contenus incitant à rester en ligne.
Dans la résolution, il est reconnu que les « stratégies manipulatrices » des plateformes nuisent à la capacité des enfants à se concentrer ou à interagir sainement avec le numérique. Dès lors, elle encourage Bruxelles à durcir le ton face aux pratiques de design toxiques. Plusieurs désactivations par défaut sont proposées par les eurodéputés (...)
Pour les sites qui enfreignent les règles européennes, la sanction devrait être simple : une interdiction sur le territoire du Vieux Continent.
Au-delà de la conception des interfaces, jugées insuffisamment sûres dès la conception (safety by design) pour les mineurs, c’est la porte d’entrée même que les eurodéputés voudraient verrouiller beaucoup plus drastiquement. Par ailleurs, appliquer une harmonisation à l’échelle européenne, car le fait est que les États membres avancent en ordre dispersé.
Harmoniser l’âge de la majorité numérique, et l’homogénéiser à la hausse
En effet, la notion de majorité numérique varie de 13 à 16 ans selon les pays de l’UE. Si elle est de 15 ans en France, elle descend à 14 ans en Espagne et même 13 ans au Danemark. D’où l’idée d’homogénéiser tout cela et de se caler sur le cran le plus haut — compte tenu des préoccupations sanitaires sur l’usage immodéré de certaines activités en ligne.
Aujourd’hui, selon les études sur lesquelles le Parlement s’est appuyé pour son rapport et sa résolution, 97 % des jeunes se connectent chaque jour à Internet et 78 % des ados consultent leur appareil au moins une fois par heure. Par ailleurs, d’après un sondage Eurobaromètre, plus de 90 % des Européens jugent urgent de légiférer pour protéger les enfants en ligne.
Outre les réseaux sociaux, la règle s’étendrait aussi aux plateformes de partage de vidéos (comme YouTube, TikTok et dans une moindre mesure Twitch), ainsi qu’aux compagnons d’intelligence artificielle générative (tels ChatGPT). (...)
Comment assurer cette vérification de l’âge ?
Reste maintenant la question centrale et sensible de la manière de vérifier l’âge sans devoir céder ses papiers d’identité à un réseau social ou mettre en risque ses données personnelles. En la matière, le Parlement défend la mise au point d’un système européen de vérification de l’âge, adossé au futur portefeuille européen d’identité numérique (eID).
Dans tous les cas de figure, les eurodéputés « insistent pour que les systèmes de confirmation de l’âge soient fiables et respectent la vie privée des mineurs ». Toute la question sera de trouver un moyen de vérifier l’âge des mineurs ; or, pour savoir qui est mineur et qui a quel âge, le risque est de devoir vérifier tout le monde, pour ne manquer personne.
Reste que si les parents gardent un rôle central d’encadrement pour leurs enfants, et que des systèmes de vérification peuvent apporter un appui pour éviter aux mineurs un usage excessif des réseaux sociaux, les députés sont clairs. Cela ne doit pas être un alibi pour les plateformes pour ne rien faire et ne pas ajuster le fonctionnement de leurs produits.