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Quand Simone de Beauvoir décryptait “le phénomène Bardot, légende créée par les autres”
#Badot #Beauvoir #culture
Article mis en ligne le 31 décembre 2025
dernière modification le 29 décembre 2025

Publié en août 1959 dans le magazine américain Esquire, Brigitte Bardot and the Lolita Syndrome n’est pas un livre au sens strict, mais d’un essai incisif de Simone de Beauvoir consacré au « phénomène Bardot ». L’autrice y propose moins une notice biographique qu’une lecture sociale : Bardot, décédée ce 28 décembre 2025, devient un révélateur des tensions de la France d’après-guerre, prise entre morale bourgeoise, culture de masse et reconfiguration des désirs.

Une apparition, un malaise collectif

L’essai s’ouvre sur une scène apparemment anodine : un réveillon télévisé. Brigitte Bardot apparaît simplement vêtue, guitare à la main. Rien de spectaculaire — et pourtant. La réaction du public est immédiate, clivée, presque brutale. Beauvoir décrit « le sarcasme, les rires gênés, l’hostilité à peine voilée » d’un côté, et de l’autre une fascination muette, difficile à assumer.

Certains hommes, écrit-elle, se réfugient dans la moquerie, mais « ne pouvaient s’empêcher de la dévorer des yeux ». Tout est déjà là : le regard désirant, la gêne, le besoin de disqualification. Bardot ne joue pas un rôle, elle ne cherche pas à séduire — du moins pas selon les codes habituels. Et c’est précisément cela qui dérange.

Le “syndrome de Lolita” : une jeunesse mise en scène

Pour nommer ce trouble collectif, Beauvoir forge l’expression de « syndrome de Lolita ». Il ne s’agit pas seulement d’un goût pour la jeunesse, mais d’un mécanisme culturel : l’élévation de la très jeune femme au rang d’idéal érotique, à condition qu’elle reste associée à une forme d’innocence.

Bardot incarne cette figure paradoxale que Beauvoir résume ainsi « une femme-enfant, désirée précisément parce qu’elle semble ignorer qu’elle est désirable ». (...)