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Reporterre/« Ils et elles brillent par leur solidarité »
Quand des tiny houses relogent des sans-abri
#TinyHouses #Sansabri
Article mis en ligne le 1er janvier 2025
dernière modification le 29 décembre 2024

À Rouen, des tiny houses sont réservées aux personnes sans domicile fixe. Des petites maisons de bois qui leur permettent « d’être plus autonomes ».

(...) Il y a deux ans, Julien vivait encore dans « la rue et les forêts » des alentours, après avoir été expulsé de son appartement pour défaut de paiement. « Le pire, c’était quand je dormais sous tente dans les bois. L’hiver, ton linge est pourri par l’humidité, raconte le locataire. Être en tiny, c’est quand même plus confortable. Il fait chaud, il y a une douche et des toilettes. »

Le long des murs, des guirlandes lumineuses ont été suspendues. Et sur la fenêtre de son refuge de 11 m2, Julien a scotché une affiche rougeoyante barrée d’un « Joyeux Noël ». « C’est pour ma fille », précise celui qui vit de magouilles pour assurer au quotidien.

C’est par l’intermédiaire « d’amis de la rue » que le quadragénaire a pu avoir cette tiny house. Il a poussé la porte de l’association La Case départ, qui accompagne les personnes comme lui dans leur réinsertion sociale et professionnelle, et de La Fabrik à Yoops, un atelier qui construit des tiny houses pour les sans-abri. Les deux structures font partie de l’ensemble « Un toit vers l’emploi », imaginé il y a sept ans par un entrepreneur, Franck Renaudin, et véritablement lancé en 2020 grâce à deux levées de fonds. Ici, on soutient, on reloge et on forme en même temps. (...) Alors que l’accueil de jour vit de dons, La Fabrik à Yoops tient financièrement grâce aux subventions de la Région, aux loyers de 270 euros prélevés aux occupants des tiny houses et à la vente des micromaisons, à hauteur de 40 000 euros. Les acheteurs, actuellement dix, s’engagent à réserver l’habitat aux personnes mal-logées ou à la rue. (...)

Cette initiative unique en France a pour objectif, entre autres, de proposer une solution d’habitat alternatif aux personnes sans domicile fixe de la métropole rouennaise. Un peu plus de 200 personnes y sont sans logement, selon un dernier comptage de 2023.

Preuve que le modèle séduit, les tiny houses ont à titre expérimental été homologuées comme des logements sociaux. Elles ont aussi été inscrites au Plan local d’urbanisme de Rouen en début d’année. Deux « énormes avancées », se félicite Franck Renaudin, qui a toutefois nécessité l’agrandissement des tiny houses à 14 m2. (...)

Fabriquées dans un grand hangar jouxtant les bureaux de La Case départ, elles sont équipées d’un grand lit, d’une salle de bain et de deux meubles de cuisine. (...)

Toilettes sèches, phytoépuration — épuration des eaux usées par les plantes —, poêle à bois… Toutes ses belles idées ont volé en éclats une fois confrontées à la réalité. « Il y a eu un rejet total des toilettes sèches. Les bénéficiaires ne comprenaient pas pourquoi on leur imposait ça, certains ont même remplacé leurs toilettes sans nous prévenir. Pour la phytoépuration, comme tu n’as pas le droit de recycler tes eaux grises autrement que par les égouts, il fallait refaire des études à chaque installation de tiny. Ça nous aurait coûté trop cher », liste Franck Renaudin. (...)

Déjà 16 micromaisons, dont 5 à Rouen, ont été implantées sur des parcelles municipales. Celles-ci sont habitées par une majorité d’hommes, des jeunes et des moins jeunes, aux parcours de vie difficiles. Beaucoup « ont subi des humiliations, ont été battus ou carrément mis à la porte par leurs parents durant l’enfance ou l’adolescence, rapporte Franck Renaudin. Pour les autres, c’est souvent le cas de la réussite sociale qui tourne mal : ils perdent leur boulot ou divorcent ».

« Faire la manche toute la journée, c’est pas une vie » (...)

À La Case départ, la liste des nouveaux venus s’allonge : en 2024, les équipes ont reçu 80 personnes de plus que l’an passé. Pourtant, le rythme des installations reste excessivement long, soupire l’entrepreneur. Une majorité des édiles « nous disent ouvertement que c’est un public qui fait peur à leurs administrés. Et ils n’ont pas envie de prendre le risque d’importer de la précarité sur leur commune », explique Franck Renaudin.

A contrario, à Rouen, l’adjointe aux solidarités, Caroline Dutarte, a immédiatement été emballée par cette initiative qui « permet de diversifier l’offre en termes d’habitat ». Ce n’est pas l’envie qui manque, plaide-t-elle, mais « ce n’est pas évident de trouver des terrains sécurisés, à côté de transports en commun et où il est possible de faire des raccordements » à l’eau et l’électricité en zone urbanisée.

« Sans habitat alternatif, il y aura toujours des gens à la rue », selon l’entrepreneur Franck Renaudin. (...)