
(...) Le dialogue s’arrête à la Palestine
À chaque début d’embrasement, c’est la même histoire. Des mots d’insulte et des accusations : « Il faut une fois pour toutes se débarrasser de cette vermine » et « ce sont tous des criminels » sont des messages que j’ai reçus sur mes réseaux sociaux. La « vermine », ce sont les Palestiniens. Tous les criminels, les « Juifs ». Je réagis toujours de la même façon : je relève la tête, je ne dis rien. Les réseaux sociaux finissent par ressembler à un stade où se déroule un triste match. Mon entourage arabe sort le drapeau palestinien, parfois libanais. L’autre moitié de mes réseaux brandissent le drapeau israélien. À chaque post, chaque « story », un drapeau. Je me retrouve au milieu de deux mondes que plus rien ne rassemble. (...)
J’ai déjà vécu une première fois cette expérience lors de la guerre de juillet 2006 entre Israël et le Liban, j’avais perdu contact avec mes amis de confession juive. L’autre est déshumanisé. Ton ami devient ton ennemi et l’ennemi n’a plus de visage. S’installe un dialogue de sourds que seuls le silence et une remise en question de son propre camp peuvent empêcher.
Pour les uns, le silence est perçu comme de l’antisémitisme. Pour les autres, comme une collaboration avec les sionistes. Ne pas afficher un drapeau palestinien en temps de guerre est ressenti comme une traîtrise. Pourtant, le silence exprime l’incapacité de se laisser enfermer dans un camp, affligé par les images des pick-up emportant une vieille femme en otage, des exécutions à bout portant, et tout autant affligé par les bombardements d’immeubles habités par des civils à Gaza, du quotidien des Palestiniens entre blocus, murs et checkpoints. Je fais partie de ces silencieux, Laura et beaucoup d’autres aussi. Lorsque j’ai parlé à Laura d’écrire sur les réactions des uns et des autres, elle m’a répondu : « J’espère que tu titreras ton article : « Fermez bien vos gueules ! » »