
Militants persécutés, normes environnementales piétinées... À l’aube du cinquième mandat de Vladimir Poutine à la tête de la Russie, l’écologie est victime de la guerre en Ukraine lancée par le chef du Kremlin.
Brandir l’étiquette « Sécurité nationale » pour éviter les protestations et faire main basse sur des territoires protégés. La pratique a rapidement vu le jour en Russie après le lancement de la guerre à grande échelle contre l’Ukraine en février 2022. Rien qu’à Moscou, elle a permis de faire détruire sans contestation possible trois zones forestières. (...)
Des « organisations indésirables »
Depuis deux ans, le Kremlin a intensifié la brutalité de sa répression. Si les mouvements d’opposition, la presse indépendante, les organisations de défense des droits humains en avaient déjà fait les frais depuis plusieurs années, la pression s’est accentuée sur tous les secteurs de la société, y compris les milieux culturels et les organisations de défense de l’environnement.
« Les personnes au pouvoir, dont les intérêts économiques privés sont menacés par la sauvegarde d’un parc ou d’une forêt abritant une espèce rare ou par l’interdiction de la construction d’un centre commercial ou d’un nouveau site minier, voient clairement le travail environnemental comme une menace », dit Vitaly Servetnik, membre de l’Environmental Crisis Group, un mouvement de soutien aux militants écologistes.
En 2023, WWF, Greenpeace et la Fondation Bellona ont été bannies de Russie à quelques mois d’intervalles, déclarées « organisations indésirables ». Depuis plus de 30 ans, les trois ONG et leurs centaines de collaborateurs y travaillaient sans relâche pour la protection de la nature. Cette décision a rendu illégales toutes leurs activités dans le pays sous peine de sévères poursuites judiciaires. (...)
Au cours des dix dernières années, près d’une quarantaine d’ONG liées à l’environnement ont été inscrites au registre des « agents de l’étranger », obligeant les deux tiers d’entre elles à la dissolution, selon l’Ecological Crisis Group.
Normes environnementales affaiblies (...)
« La guerre en Ukraine a renforcé l’influence des groupes d’intérêt cherchant à affaiblir les lois environnementales dans le monde. En Russie, cette tendance est particulièrement forte » (...)
Les autorités russes ont ainsi voté au cours de l’année 2022 plusieurs amendements à la législation environnementale visant à réduire les normes en vigueur. (...)
Même les zones les plus fragiles ne sont pas épargnées par ces mesures : l’évaluation obligatoire de l’impact environnemental lors de la pose de pipelines dans des zones naturelles spécialement protégées a été supprimé, tandis que le contrôle des rejets dans le lac Baïkal, plus grande source d’eau douce du monde, a été largement assoupli : un arrêté d’octobre 2022 a relevé les limites de certaines substances dangereuses présentes dans les eaux usées et supprimé la réglementation concernant et les composés organochlorés, classifiés comme « dangereux » et « très dangereux ».
Continuer à informer
Là encore, la guerre en Ukraine sert de prétexte. Il s’agit de soulager les entreprises russes des contraintes environnementales pour les aider à faire face aux sanctions occidentales et ainsi soutenir l’économie. Les écologistes alertent sur les dangers d’une telle politique. En l’absence de contrôle réglementaire et sans contestation citoyenne possible, les industriels ont les coudées franches pour ne plus se préoccuper des conséquences de leurs activités sur l’environnement. Les écologistes s’inquiètent aussi des nouvelles pollutions engendrées par le complexe militaro-industriel, en pleine croissance en Russie, et sur les risques accrus d’accidents environnementaux en l’absence de garde-fous.
Malgré les difficultés, les écologistes russes tentent de continuer à agir par le biais d’ONG nationales, interrégionales et locales ou de petites groupes informels. (...)
victoire récente obtenue par le Conseil d’experts en matière de conservation, une ONG créée en 2023. « Grâce à son travail, un projet de loi autorisant la suppression des zones protégées a été retiré », se félicite-t-il.
« La résistance n’est pas inutile »
Évoquant des protestations écologistes locales récentes, le militant estime que les autorités ne peuvent pas interdire complètement l’activisme écologiste : « Elles doivent rechercher un équilibre entre la répression et la réponse aux demandes de la population car les questions environnementales sont essentielles : elles sont liées à la santé et à la vie des gens, aux enfants et au futur. » (...)
En 2022, Environmental Crisis Group a dénombré 50 victoires environnementales locales et régionales à différentes échelles.