
(...) Retour à Munich qui avait ouvert grand ses portes aux exilés, en 2015. Aujourd’hui, les habitants et réfugiés de la ville allemande continuent toujours de réfléchir au sens de la doctrine d’accueil "Nous pouvons y arriver", prononcée en 2015 par Angela Merkel.
Par une fraîche matinée d’automne, les quais de la gare centrale de Munich sont bondés de travailleurs et de touristes. Tasse de café à la main, ils se pressent devant les portes vitrées où, il y a dix ans, des centaines de bénévoles attendaient avec de la nourriture et des vêtements. En septembre 2015, alors que des milliers d’exilés arrivent d’Autriche, la ville de Munich devient le symbole de l’ouverture de l’Allemagne - et le monde entier retiendra l’image des bénévoles et des forces de sécurité accueillant des familles épuisées à la descente des trains.
À cette époque, les initiatives face à ces centaines de milliers d’arrivées n’étaient pas menées par les institutions, mais par des citoyens ordinaires. À travers toute la Bavière, se sont formés des "Helferkreise", des groupes locaux de bénévoles qui accompagnaient les nouveaux arrivants pour trouver un logement, des vêtements et des cours d’allemand. Certains allant même jusqu’à quitter leur emploi ou réduire leurs heures de travail pour poursuivre cet effort de solidarité. (...)
Une décennie plus tard, les banderoles de bienvenue ont disparu, les caméras des chaînes télévisées ont quitté les lieux et les personnes qui sont restées font désormais partie du quotidien tranquille de la ville.
La promesse de l’Allemagne de 2015 "Wir schaffen das" – "Nous pouvons y arriver" –, prononcée par la chancelière de l’époque Angela Merkel, n’a jamais été une simple question de chiffres ou de frontières. Mais plutôt d’une société devant décider si la compassion peut survivre au poids de la bureaucratie et de la politique. À Munich, cette question est encore mise à l’épreuve chaque jour. (...)
Nanette Nadolski, membre du "Helferkreis" à Weichs, près de Munich, qui soutient les exilés en Bavière depuis 2015, travaille désormais en ressentant presque constamment de la frustration. "Les gens attendent près de six mois juste pour renouveler leur permis de séjour", souffle-t-elle. "Ils obtiennent un document temporaire qui leur permet de continuer à travailler, mais il ne comporte ni nom, ni date de naissance, ni aucune information permettant d’identifier la personne. Donc les employeurs voient cela et disent : ’Je ne prendrai pas ce risque.’"
Ce qui avait commencé comme une réponse d’urgence à une situation migratoire inédite s’est transformé en routine administrative, explique-t-elle. "Ça décourage les gens", ajoute Nanette Nadolski. "Et ça décourage aussi les entreprises."
"Les gens sacrifiaient leurs soirées pour aider"
La lourdeur bureaucratique a également affecté les bénévoles impliqués dans l’accueil. En 2015, les bénévoles et ONG sont intervenus, là où les institutions étaient en difficulté. Les premiers mois "ont montré ce qu’une communauté peut accomplir quand la politique est à la traîne", estime Jana Weidhaase, du Conseil bavarois pour les réfugiés.
"Les gens sacrifiaient leurs soirées et leurs week-ends pour aider", se remémore-t-elle. "Mais avec le temps, la bureaucratie a pris le dessus. Le processus est devenu plus compliqué au lieu de se simplifier." (...)
En conséquence, le Conseil bavarois pour les réfugiés consacre désormais une grande partie de son temps à lutter contre l’expulsion des exilés ayant suivi une formation ou ayant trouvé un emploi.
Pourtant, au début, le système marchait plutôt bien. "Nous avons réalisé qu’il était logique d’intégrer les gens dans le monde du travail et de la formation", ponctue Nanette Nadolski. "Pendant un certain temps, cela a étonnamment bien fonctionné." Mais avec le durcissement des règles, bon nombre de ces progrès ont ralenti ou ont été annulés.
Une fracture politique
En effet, selon le ministre de l’Intérieur de Bavière, Joachim Herrmann, l’approche de l’État reste guidée par deux priorités : la sécurité et l’ordre. "Nous devons maintenir la confiance de la population", déclare-t-il à InfoMigrants. "Cela signifie appliquer la loi de manière cohérente, y compris en procédant à des expulsions lorsque les personnes n’ont pas le droit légal de rester sur le territoire." (...)