
Dans l’essai « On ne peut plus rien dire », le juriste Thomas Hochmann examine la stratégie qui consiste à crier à la censure à la moindre contradiction afin de déréguler le débat public. Il rappelle qu’il existe des lois en France, efficaces contre les discours de haine.
(...) « On ne peut plus rien dire » (Anamosa) est effectivement un court texte qui tient dans la poche arrière d’un jeans, mais il est d’un court ciselé et pédagogique, un bon court, qui remet les idées en place concernant la liberté d’expression, notion la plus manipulée du moment. Hochmann, ancien élève de Lyon III et ayant consacré sa thèse au négationnisme, y affirme que « la lutte contre les discours de haine ne menace pas davantage la liberté d’expression que l’interdiction du négationnisme n’a gêné le travail des historiens ». (...)
Lire sur le site de l’éditeur (Anamosa)
– On ne peut plus rien dire
Liberté d’expression : le grand détournement
Thomas Hochmann
À entendre la plupart des responsables politiques, pour faire refluer l’extrême droite, il suffirait de prendre de bonnes mesures, d’améliorer la vie des gens. Ils se trompent lourdement. Bien qu’essentiel et nécessaire, le contenu des politiques menées semble importer bien moins que la manière dont elles sont présentées et commentées ; la meilleure politique du monde ne pèse pas lourd face à la large diffusion de propos qui manipulent les faits, qui sèment la division et encouragent à la discrimination. L’urgence est donc de protéger, enfin, la condition essentielle de toute démocratie : la libre discussion des affaires publiques, dans le respect d’autrui, et sur une base factuelle partagée.
Par un incroyable retournement en effet, tout effort de protéger le débat démocratique est aujourd’hui brocardé comme une atteinte à la « liberté d’expression ». Dès qu’un chantre du camp « national » fait l’objet d’une sanction, ou même dès qu’il est simplement contredit un peu vivement, il se lamente : « On ne peut plus rien dire… » Cette complainte des nouveaux censurés s’étire à longueur de journée sur les plateaux télévisés. Toute contradiction est dénoncée comme une agression, la lutte contre le racisme est présentée comme une marque d’intolérance « woke ». Qu’un juge ose timidement rappeler qu’une chaîne d’information ne peut consacrer exclusivement son antenne à la propagande d’extrême droite, et une vague d’indignation déferle aussitôt contre la « censure », cette « guillotine symbolique ».
Pourtant, la haine et le mensonge nuisent gravement à la délibération démocratique. C’est pourquoi les restrictions de l’expression publique, loin d’être en contradiction avec la liberté d’expression, lui sont consubstantielles.(...)