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Mediapart
Nucléaire : avec le projet de fusion, « la sûreté va subir un coup extrêmement dur »
#nucleaire #fusion
Article mis en ligne le 14 mars 2024
dernière modification le 12 mars 2024

estC’est une organisation peu connue du grand public mais qui se trouve au cœur du système français de sûreté nucléaire. L’Association nationale des comités et commissions locales d’information (Anccli) a été créée en 2000 pour organiser le dialogue entre le public vivant à proximité des installations nucléaires (réacteurs de production d’électricité, stockage de déchets, usines de combustibles, etc.) et les exploitants (EDF, Orano, CEA, Andra), ainsi que les instances de sûreté (ASN et IRSN).

L’information des habitant·es est considérée en France comme un pilier du système de sûreté et repose sur un principe de transparence exigé des exploitants. Dans ce but, un Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTSIN) a été créé en 2006. (...)

Lundi 11 mars, jour anniversaire de la catastrophe de Fukushima au Japon en 2011, les député·es commencent l’examen du projet de loi de fusion de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

Depuis un an, il fait l’objet d’un rejet massif des personnels de ce dernier ainsi que d’une grande partie du monde de l’atome. En commission début mars, les député·es ont adopté un amendement rejetant le démantèlement de l’IRSN. Mais le gouvernement devrait revenir à la charge lundi dans l’hémicycle. Pour Jean-Claude Delalonde, « ces gens-là seront responsables et passibles de poursuites en justice en cas d’accident nucléaire ». (...)

Jean-Claude Delalonde : Je suis catastrophé quand j’entends Roland Lescure [ministre de l’industrie – ndlr], que j’ai eu au téléphone à sa demande il y a 15 jours, dire que si l’on émet le moindre doute, le moindre désaccord avec ce projet, cela veut dire qu’on est antinucléaire. Ces gens-là seront responsables et passibles de poursuites en justice en cas d’accident nucléaire. C’est notre sûreté et notre sécurité qui sont en jeu : notre bien-vivre avec le nucléaire.

Je voudrais leur rappeler que les CLI [commissions locales d’information sur le nucléaire – ndlr] que nous représentons existent depuis quarante-trois ans. L’Anccli existe depuis vingt-quatre ans et je la préside depuis vingt ans. Les CLI sont à la main, dans leur composition, des présidents des départements où se trouvent des installations nucléaires. Ces CLI sont composées à 75 % de gens favorables au nucléaire et à 25 % de personnes « contre ». (...)

Depuis vingt ans que je préside l’Anccli, toutes les positions et toutes les décisions ont été prises à l’unanimité. Parce que ce qui nous rassemble, ce qui nous guide, ce qui nous habite, c’est la sûreté nucléaire. (...)

Je ne suis pas en désaccord avec le gouvernement quand il dit que, du fait du programme de relance du nucléaire, il faut adapter notre organisation et être plus efficaces. Mais quand on fait cela, on commande un audit, une analyse sérieuse de notre organisation pour voir là où le bât blesse. (...)

Mais aujourd’hui, il n’y a même pas de rapport. Il n’y a rien ! C’est un projet technocratique dangereux. Le principe de précaution serait d’exiger un rapport sérieux. Il existe 12 groupes de travail aujourd’hui à l’ASN et l’IRSN qui travaillent sur ce projet. Laissons le temps de travailler aux gens qui font la confiance du nucléaire. Il n’y a aucune urgence (...)

L’année dernière, on a voté une loi d’accélération du nucléaire. Il fallait aller vite : 51,3 milliards d’euros ont été annoncés pour financer trois paires de nouveaux réacteurs EPR. Et il y a quelques jours, on apprend que les EPR vont coûter 30 % de plus que prévu et qu’on perd déjà un an sur le calendrier. Mais c’est scandaleux ! Aucune étude sérieuse n’avait donc été faite. (...)

Concernant la réforme de la sûreté, nous ne sommes pas contre. Mais nous sommes contre cette précipitation. (...)

la sûreté va subir un coup extrêmement dur. Ce n’est donc pas du tout la question d’être pour ou contre le nucléaire, c’est un faux débat. (...)

Notre système de sûreté nucléaire, aujourd’hui robuste, basé sur quatre piliers, est le résultat de vingt ans de dialogue et de négociations. Nos exploitants sont sérieux, même si, de temps en temps, il y a des falsifications et des malversations. On a un gendarme du nucléaire, l’ASN, qui est sérieux. On a des experts, à l’IRSN, qui sont compétents. Et on a une société civile vigilante avec les CLI et l’Anccli. Ces quatre piliers constituent la robustesse de notre système de sûreté. Si on la met à mal, demain, un accident va survenir.

Et nos députés, d’un revers de la main, comme s’ils venaient de naître, donnent l’impression d’avoir oublié Tchernobyl et Fukushima et de penser que s’il y a un accident nucléaire, ce n’est pas grave, il s’arrêtera aux frontières de la France. Ou du Pas-de-Calais, si l’accident se passe à Gravelines. Ce n’est pas sérieux.