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Mediapart
Nouvelle-Calédonie : Macron ou l’arrogance coloniale
#NouvelleCaledonie #Kanaky #Macron #colonialisme
Article mis en ligne le 31 mai 2024
dernière modification le 30 mai 2024

En privilégiant l’usage de la force au compromis politique, en évoquant l’idée de soumettre au référendum national la question du dégel du corps électoral, et en niant les racines du problème, le chef de l’État renoue avec les démons de la République.

Ce sont d’abord des mots. Ceux prononcés par Emmanuel Macron lors de sa visite éclair en Nouvelle-Calédonie et répétés quelques jours plus tard par la ministre déléguée des outre-mer, Marie Guévenoux. « L’État français reprendra tous les quartiers. Cela prendra le temps que ça prendra. Il y a une guerre d’usure qui se crée avec les émeutiers, [mais] les policiers et les gendarmes réussissent à reprendre du terrain et sont en train de gagner cette guerre d’usure. »

Ce sont ensuite des non-dits. Ceux derrière lesquels le président de la République se réfugie pour tenter de faire oublier que cet archipel du Pacifique est encore une colonie française, considérée comme telle par l’ONU qui l’a inscrit sur la liste des derniers territoires au monde « dont les populations ne s’administrent pas encore complètement par elles-mêmes ». Et que « les ombres et les lumières », comme il le dit de façon elliptique, n’appartiennent pas au passé.

Ce sont enfin des actes. Ceux consistant à privilégier la force à la discussion politique, sans se soucier des traumatismes que cette façon de faire a laissés en Nouvelle-Calédonie. À envoyer sur place des milliers de policiers et de militaires dans l’espoir de stopper la révolte d’un peuple, le peuple kanak, qui n’aspire qu’à retrouver son indépendance. À s’appuyer sur des milices qui se sont rapidement constituées et armées, au mépris des principes fondamentaux de l’État de droit.

Des mots, des non-dits et des actes qui en disent long sur la façon dont Emmanuel Macron renoue aujourd’hui avec les travers de la domination coloniale. Jusqu’à proposer de soumettre au référendum national la question du dégel du corps électoral, qui a ravivé les colères dans l’archipel. Une « faute historique » aux yeux des acteurs locaux, loyalistes compris, et autres connaisseurs du dossier. Une énième rupture avec les engagements de la France. (...)

Gravé dans le marbre constitutionnel français, le droit à l’autodétermination du peuple kanak est aussi protégé par le droit international, tel que défini par le Comité spécial de la décolonisation de l’ONU. Ce dernier pose en effet comme principe premier celui de « favoriser un environnement propice à l’évolution pacifique de la Nouvelle-Calédonie vers l’autodétermination ». Ce principe s’appuie aussi sur une résolution des Nations unies datée du 24 octobre 1970. (...)

Plutôt que de commencer par répondre politiquement à la crise qu’il avait lui-même créée, l’exécutif français a choisi dans un premier temps de se concentrer sur l’ordre, en soutenant l’existence de milices, en instaurant l’état d’urgence – aujourd’hui levé – et en assignant à résidence la plupart des leaders de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), une organisation militante proche du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS). (...)

La négation de la violence coloniale

Or, comme s’accordent à le dire toutes les personnes qui se sont réellement penchées sur le sujet, les coups de menton si chers à cet exécutif n’ont pas lieu d’être en Nouvelle-Calédonie. Là-bas, comme l’a récemment reconnu Édouard Philippe, dernier premier ministre à s’être occupé de ce dossier à Matignon, « c’est toujours l’accord politique qui prime sur tout ». « Le rapport de force ne permettra jamais un retour durable et complet à l’ordre public », a-t-il aussi alerté. (...)

Emmanuel Macron a beau répéter qu’« aucune violence n’est acceptable », il a visiblement oublié d’inclure dans son propos la violence coloniale. Or c’est bien elle et ses relents contemporains qui ont conduit à la crise actuelle.