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Maroc : crise alimentaire et stress hydrique dans le contexte de la crise économique, de la dette et des pressions des institutions financières mondiales
#Maroc #crisealimentaire #stresshydrique #IFI
Article mis en ligne le 28 mai 2025
dernière modification le 25 mai 2025

Après les années de crise provoquées par la pandémie Covid-19, l’économie marocaine fait toujours face à une situation extrêmement difficile.

Une dépendance accrue

" L’Europe constitue le premier partenaire commercial, financier et économique du Royaume. Elle absorbe presque 60 % des exportations marocaines et fournit le même pourcentage en importations"

L’économie marocaine est étroitement liée à la situation de l’espace européen. L’Europe constitue le premier partenaire commercial, financier et économique du Royaume. Elle absorbe presque 60 % des exportations marocaines et fournit le même pourcentage en importations. Elle est la destination d’importants transferts de ressortissantes marocaines à l’étranger et constitue la source de revenus liés au tourisme, d’aide au développement et de crédits, etc. L’économie marocaine est donc très dépendante de l’Union européenne et des crises que cette dernière peut traverser. (...)

Selon la Banque mondiale, le Maroc est aujourd’hui l’un des pays dont l’économie est la plus tournée vers l’extérieur (...)

Les décennies de politiques néolibérales, sous l’égide des Institutions financières internationales (IFI), ont modelé l’économie marocaine et approfondi sa dépendance au marché capitaliste mondial à tous les niveaux, voire la perte de sa souveraineté d’élaboration de ses propres politiques économiques et sociales…
Une souveraineté alimentaire décadente

" Le Maroc vend 8 milliards de dollars de légumes de fruits et d’agrumes (saturés d’eau qui épuisent 80 % de nos ressources en eau qui s’amenuisent année après année) pour acheter 9 milliards de dollars de céréales" (...)

Alors que la facture alimentaire du pays a augmenté au cours de l’année 2023 de plus de 3 milliards de dirhams (300 millions d’euros), toutes les denrées alimentaires que le Maroc achète à l’étranger ont connu une augmentation significative, tant en valeur qu’en volume. Selon les statistiques officielles, la facture d’importation d’animaux vivants (c’est-à-dire le troupeau de moutons et de vaches, que le Maroc a fini par faire venir de l’étranger après des décennies d’autosuffisance) a coûté environ 3 milliards de dirhams (300 millions d’euros). (...)

" Il a été décidé de réduire la superficie cultivée en céréales de 6 millions d’hectares à 1,5 million d’hectares et de les remplacer par des cultures de pastèques, d’avocats et de tomates"

Le secteur agricole absorbe, depuis l’indépendance formelle du Maroc [3], une part très importante du soutien sous diverses formes : en infrastructures, barrages, intrants (...)

et matériels en plus de soutien financier et exonération fiscale, etc. À cela s’ajoute le maintien de bas salaires dans le secteur et des conditions de travail pénibles.

Tout cela est le fruit amer d’une politique consciente au profit des grands investisseurs agroalimentaires privés locaux et étrangers. C’est le résultat de la politique néolibérale dans l’agriculture dictée par les IFI dites Plan Maroc vert (2008-2018) [4] et maintenant appelée Génération verte (2020-2023) [5]. Une politique selon laquelle, parmi d’autres choix, il a été décidé de réduire la superficie cultivée en céréales de 6 millions d’hectares à 1,5 million d’hectares et de les remplacer par des cultures de pastèques, d’avocats et de tomates… et voilà que le Maroc, qui était principalement un pays exportateur de céréales jusqu’à la fin des années 1960, est devenu très dépendant du marché international.
Une crise aigüe de l’eau

" Alors que les besoins en eau des cultures devraient augmenter de 8 à 27 %, les rendements des cultures pluviales, en particulier les céréales et légumes, pourraient baisser de 5 à 30 %"

Une étude comparative des pays du Maghreb met en évidence la vulnérabilité particulière du Maroc face au changement climatique. (...)

Surendettement et cure néolibérale

" Le Maroc est aujourd’hui l’un des pays les plus lourdement endettés" (...)

Il est devenu incapable de se lancer dans un programme sans emprunter à l’étranger. En échange de ces prêts, les IFI recommandent notamment au pays une refonte en profondeur de la caisse de compensation aboutissant à son élimination, menaçant gravement les subventions des denrées alimentaires de base dont une grande majorité de la population dépend.

Pendant ce temps, le pouvoir en place continue de poursuivre les recommandations néfastes de la BM & FMI (...)

qui ont conduit le Maroc dans une détérioration des conditions de vie et de travail d’une écrasante majorité de la population. Selon ces institutions, le Maroc doit, pour sortir de l’impasse, poursuivre et approfondir les mêmes politiques mises en œuvre durant les années de programme d’ajustement structurel et d’ouverture sur le marché mondial. Encore plus de privatisations et d’orientation vers l’export, de baisse des dépenses publiques, de prélèvements d’impôts sur le dos des classes laborieuses, etc.

" Les infrastructures à caractère social, telles que les écoles et les hôpitaux, ainsi que les services qu’elles fournissent, se sont détériorées"

L’austérité budgétaire imposée a des graves conséquences. Les infrastructures à caractère social, telles que les écoles et les hôpitaux, ainsi que les services qu’elles fournissent, se sont détériorées. De même pour les autres infrastructures telles que les routes, les réseaux d’eau et d’électricité… L’endettement des ménages, notamment pauvres, s’est accentué et le rythme de l’émigration a augmenté parmi les jeunes, qui cherchent à échapper à l’enfer du chômage de masse. Les masses populaires ont été plus particulièrement touchées par la hausse des prix et le coût élevé de la vie. (...)

La politique d’endettement a intensifié la dépendance vis-à-vis des pays impérialistes, aggravant la perte de souveraineté politique, économique, financière, alimentaire, environnementale et culturelle du Maroc.
Sortir du joug de la dépendance et du sous-développement

" La dépendance ne produit pas le développement. Au contraire, elle l’entrave"

Le pays est confronté à un choix historique : maintenir sa dépendance et continuer à servir les intérêts des sociétés multinationales et des pays impérialistes ou briser le cercle vicieux de l’endettement et de libre échange qui entrave son développement. Le pays doit trouver une voie autonome. Pour ce faire, il faut mettre fin au système du despotisme politique, à la corruption, ériger un État de droit et de justice sociale, mettre en place une politique favorisant le développement industriel du pays, des structures adéquates d’agriculture, etc. Il faut instaurer des politiques protégeant l’humain et la nature, et favoriser la bonne gestion des ressources naturelles, leur exploitation et leur transformation… tous cela au profit de la population laborieuse. (...)

Pour avancer vers la souveraineté alimentaire, il faut :

  • Mettre l’agroécologie au cœur des décisions politiques des gouvernements. (...)
  • La mise en œuvre d’une réforme agraire populaire et globale, pour mettre fin à l’accaparement de l’eau, des semences et des terres par les sociétés transnationales, et pour garantir aux petits producteurs et petites productrices des droits équitables sur les ressources productives.
  • Une gouvernance alimentaire basée sur les intérêts des peuples et non sur des entreprises transnationales. Aux niveaux mondial, régional, national et local, il faut mettre un terme à la mainmise des multinationales sur la gouvernance alimentaire et placer les intérêts des populations au centre. (...)
  • Mettre fin au mécanisme infernal de la dette publique illégitime qui constitue l’un des obstacles essentiels à la satisfaction des besoins humains fondamentaux, parmi lesquels l’accès à une alimentation décente. (...)