La Macédoine du Nord est un territoire de transit pour les exilés arrivés en Grèce souhaitant rejoindre l’Europe de l’Ouest. L’asile y existe, mais il est rarement accordé dans ce petit pays hors de l’Union européenne. Dès lors, ce sont les profils les plus vulnérables - personnes blessées, familles, adolescents isolés - qui demandent l’asile. Le plus souvent, juste pour avoir quelques semaines de répit avant de reprendre la route.
(...) L’arrêt obligatoire des blessés
D’autres personnes s’arrêtent simplement à Vizbegovo parce que leur corps ne leur permet plus d’avancer. Ainsi Mohamed, 25 ans, originaire du Maroc, est coincé là depuis un mois à cause d’un problème à la jambe. "J’ai quitté la Turquie en juin. J’étais seul et j’ai découpé la bâche arrière d’un camion avec un couteau pour y entrer en espérant rejoindre la Grèce. Une fois arrivé en Grèce, j’ai sauté pour descendre pendant que le camion roulait, ce qui m’a valu une fracture à la jambe droite." (...)
Aidé par un groupe de jeunes, il a poursuivi son chemin pour passer la frontière macédonienne avec cette jambe cassée. Intercepté et amené au centre de transit de Vinojug, il y rencontre la Croix-Rouge... Qui le transporte immédiatement à l’hôpital de Skopje. "J’ai subi une opération, on m’a posé un plâtre et depuis ma jambe s’est un peu améliorée. Je marche avec une béquille. Mais je veux continuer mon chemin. J’attends juste que ma jambe guérisse." (...)
Pour celles et ceux qui vont au bout de la procédure d’asile, le résultat est décevant la majorité du temps. "Malheureusement, la plupart des décisions sont négatives. Le demandeur d’asile a 30 jours pour soumettre un recours auprès de la cour administrative", explique Mitko Kiprovski, avocat et chargé de plaidoyer de l’ONG Jesuit Refugee Service (JRS), qui accompagne les demandeurs d’asile dans ces démarches. Si ce premier recours n’aboutit pas, il est toujours possible de s’en référer à la Haute cour administrative de Skopje. Mais si le refus est définitif, la personne a 20 jours pour quitter le territoire.
Mariam*, l’une des rares à avoir eu la protection subsidiaire : "ici, je n’ai besoin de personne"
Ainsi, les protections internationales délivrées ces dernières années se comptent sur les doigts d’une main. En 2024, suite à une mission en Macédoine du Nord, les rapporteurs du Comité contre la Torture, organisation des Nations unies, s’inquiétaient de ne recenser que 3 protections subsidiaires accordées en 2023, et zéro statut de réfugié entre 2016 et 2023.
Mariam*, 30 ans, est l’une de ces exceptions. Après avoir accouché en Grèce, cette Syrienne a traversé la frontière avec la Macédoine du Nord en 2018 alors qu’elle allaitait encore sa fille. Un peu comme Mohamed des années après elle, c’est la dangerosité du passage de frontière qui a stoppé son parcours. Entre la Grèce et la Macédoine, "la police a braqué ses projecteurs sur notre groupe. Tout le monde s’est enfui autour de moi. J’ai commencé à courir moi aussi en portant ma fille, mais je suis tombée dans un trou et je me suis cassé la jambe". En arrivant au centre de transit de Vinojug, c’est l’association JRS qui la prend sous son aile et la transfère à l’hôpital de Skopje pour la soigner. (...)
Toutes les années qui ont suivi, JRS l’aide dans ses démarches d’asile et de logement, jusqu’à ce que Mariam obtienne la protection subsidiaire. L’ONG assure encore aujourd’hui un suivi de sa situation. La Croix-Rouge a pu, de son côté, lui trouver du travail chez eux, puis dans un restaurant, et lui prodiguer des cours de macédonien - un vrai défi pour Mariam, qui est analphabète. Aujourd’hui, sa fille a 9 ans. Elle est scolarisée et apprend le macédonien, avec moins de difficultés grâce à son jeune âge. Quant à la jambe de Mariam, après toutes ces années, "j’ai encore des broches... Je dois les faire retirer bientôt", glisse la Syrienne. (...)
"Ici, c’est mieux qu’en Grèce. Là-bas, j’avais toujours peur. Je ne me sentais jamais à l’aise. Ici, j’ai des amis macédoniens que je vais voir et qui viennent me voir, je travaille et je n’ai besoin de personne."