
Pressé par les oppositions, le nouveau premier ministre refuse de communiquer les documents préparatoires au budget 2025 et jure découvrir « une situation très grave ». Mediapart révèle deux des courriers que Matignon refuse de communiquer.
(...) Envoyés par Gabriel Attal, alors chargé d’expédier les affaires courantes, le 20 août, les courriers sont soigneusement tenus secrets par l’exécutif. (...)
Et le changement de premier ministre n’y a rien changé. Tout en reconnaissant, dans une lettre envoyée lundi soir aux parlementaires chargés des questions budgétaires, que le budget 2025 serait « construit sur la base des lettres plafonds », Michel Barnier refuse toujours de les leur transmettre. Et ce, malgré le droit constitutionnel du Parlement de contrôler l’action du gouvernement et la visite inhabituelle d’Éric Coquerel et Charles de Courson, respectivement président et rapporteur de la commission des finances, à Matignon mardi.
Dans un entretien à Mediapart, Éric Coquerel (La France insoumise) pointe « un déni de l’exécutif vis-à-vis de l’Assemblée nationale ». (...)
Au ministère de l’économie, où il s’est rendu mercredi dans la même optique, l’administration lui a promis qu’il recevrait un condensé des documents préparatoires dès jeudi, mais ne lui a pas donné plus de documents que la veille. (...)
Le refus de l’exécutif agace d’autant plus les oppositions que l’examen du budget a été reporté au 9 octobre, réduisant encore un peu plus les délais accordés aux parlementaires pour amender et voter le projet de loi de finances. En commission des finances, mardi, l’ensemble des groupes d’opposition a apporté son soutien à l’initiative d’Éric Coquerel et Charles de Courson. (...)
Sur le fond, ces courriers ne nous apprennent rien de surprenant par rapport à ce qui a été communiqué en surface par le ministre délégué aux comptes publics démissionnaire, Thomas Cazenave, à Éric Coquerel début septembre. Le premier annonce une hausse des montants alloués à la mission « écologie, développement et mobilité durables » mais qui masque des coupes dans le dispositif de rénovation énergétique MaPrimeRenov’ et dans les aides au verdissement des véhicules ; ainsi qu’une relative stabilité des montants alloués à la mission « relations avec les collectivités territoriales ». Le second courrier détaille une légère baisse des crédits alloués à l’agriculture.
Ces montants, qui serviront de base au prochain gouvernement pour élaborer son prochain budget, seront de toute façon appelés à être modifiés, certainement à la baisse vu le catastrophisme ambiant autour de la situation des comptes publics.
La stratégie de Matignon est d’autant plus surprenante qu’elle concentre l’attention politique et médiatique sur des documents jusque-là méconnus du grand public. Et dont le contenu, loin d’être révolutionnaire, détaille des orientations assumées depuis des mois par l’exécutif, à savoir la volonté de tailler dans les dépenses publiques pour réaliser 15 milliards d’euros d’économie. Un budget « réversible », martèlent les ministres sortants, pour permettre au gouvernement de l’adapter à sa guise.
C’est peut-être là qu’il faut comprendre l’obstination de Michel Barnier à garder ces documents secrets. (...)
Barnier prépare d’autres coupes (et des hausses d’impôts)
Le premier ministre, que ses proches décrivent comme préoccupé par la procédure de déficit excessif ouverte par la Commission européenne à l’égard de la France, aurait en tête de réduire certaines dépenses publiques de façon plus drastique encore que ce que prévoyait l’ancien gouvernement. Une baisse des dépenses à laquelle Michel Barnier souhaiterait combiner une hausse modérée des impôts pour les plus riches, évoquée par son entourage mais dont les contours sont encore flous.
Or, ces velléités budgétaires se heurtent aux exigences et aux lignes rouges des partis qui composent sa future coalition. (...)
S’entremêlent donc, sur le bureau du chef du gouvernement, les orientations budgétaires et la composition du gouvernement, dont la finalisation cette semaine paraît de plus en plus compromise. Michel Barnier se heurte, avant même son premier conseil des ministres, à l’impasse que constitue sa nomination : faute de programme présenté aux électeurs et électrices, de coalition stable et de majorité absolue, l’ancien ministre doit naviguer au jour le jour entre les exigences de ses différents partenaires – sans compter celles du Rassemblement national (RN), qui dispose du pouvoir de le renverser.
Pour préparer le terrain à ses futures décisions, Michel Barnier a tenté de dépeindre mercredi un tableau plus sombre qu’attendu. (...)
En attendant, c’est bien sur la base des lettres plafonds du 20 août que s’élabore le projet de loi de finances. Et la tendance est déjà claire dans le sens d’une baisse des dépenses de l’État dans plusieurs secteurs.