
Chaque été, pendant que la majorité prend un peu de repos bien mérité, une chose ne ralentit pas : la violence envers les femmes et les filles. Elle persiste, implacable.
Dans les dernières semaines, plusieurs événements sont venus raviver une colère qui ne dort jamais vraiment. Une lettre bouleversante publiée dans Le Devoir, dans laquelle un père raconte les agressions sexuelles subies par sa fille, est venue nous rappeler ce que beaucoup vivent dans le silence.
Et pendant ce temps, la crédibilité des victimes continue d’être systématiquement remise en doute.
Le procès de Gilbert Rozon en est un exemple frappant : les projecteurs se tournent vers les comportements des plaignantes au lieu de se concentrer sur les gestes dénoncés. Ou encore, pensons à la décision rendue dans la cause impliquant cinq joueurs de hockey accusés d’agression sexuelle. Au moment du verdict, la juge a conclu : « Je considère que la preuve déposée par la plaignante E. M. n’est ni crédible ni fiable. »
Depuis cinq ans, 65 féminicides ont été recensés au Québec, dont 11 depuis le début de l’année seulement. Derrière chaque chiffre, il y a une femme qui a perdu la vie, des familles et des communautés marquées à jamais.
Non, la violence ne fait pas de pause.
À la Coordination du Québec de la Marche mondiale des femmes, on refuse de s’habituer à ces tragédies. On refuse le cynisme, l’indifférence et l’idée que « c’est comme ça ». Non, ce n’est pas comme ça. Et ça ne devrait pas l’être.
Ces paroles, ces jugements, ces glissements de discours laissent des traces. Et participent à un système où bien trop de femmes se taisent, faute d’y croire encore.
Il serait tentant de croire que les choses avancent. Mais les chiffres, les verdicts et les silences nous rappellent le contraire.
Heureusement, il y a les luttes. Les solidarités. La colère constructive. C’est là que réside la force du mouvement féministe : dans la capacité de transformer l’indignation en action. (...)
en 2000, les militantes féministes du Québec ont à nouveau marqué l’histoire en étant à l’initiative du mouvement qui a rassemblé des milliers de femmes de partout dans le monde autour de revendications communes contre la pauvreté et la violence envers les femmes. Depuis, tous les cinq ans, c’est un rendez-vous mondial qui mobilise des femmes de partout autour d’enjeux locaux afin de porter un message global. (...)
Vingt-cinq ans plus tard, la solidarité féministe est toujours là. La colère, aussi.
Le 18 octobre 2025, à Québec, nous marcherons encore. Contre le sexisme, les violences et les inégalités qui persistent dans toutes les sphères de la société. Et pour des politiques ambitieuses qui s’attaquent enfin aux injustices vécues, encore aujourd’hui, par les femmes.
On marche parce qu’il y a encore trop de femmes qui n’ont pas le luxe de se reposer.
On marche, parce que s’arrêter, c’est accepter l’inacceptable.
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– (Politis)
« Ça se relit », épisode 8 : Sandrine Rousseau et Hubertine Auclert
Cet été, Politis demande à de nombreuses femmes de gauche un discours à découvrir… ou redécouvrir. Pour ce huitième épisode, la députée écologiste de Paris Sandrine Rousseau lit la militante féministe Hubertine Auclert.
Hubertine Auclert est une suffragette française. Une féministe qui s’est battue pour le droit de vote des femmes. À Marseille, en 1879, au Congrès ouvrier socialiste de France, elle parle à la tribune. Ce discours courageux et, en bien des aspects, précurseur, est peu connu aujourd’hui. Pourtant il mérite de sortir de sa relative confidentialité. Elle y pose les jalons des luttes des femmes du XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui.
Elle le débute en se présentant ainsi : « Je viens représenter à ce congrès deux sociétés : le droit des femmes et les travailleuses, coopérative féminine de vente et de production. » Depuis cette double position, elle interpelle sans ménagement l’assistance. Et c’est du petit-lait pour la féministe d’aujourd’hui que je suis. Elle enchaîne les punchlines, les questions qui dérangent et les revendications. À chaque phrase quasiment, un uppercut (...)