Nous avons un sérieux problème en France avec les « mères courages » ces femmes seules qui élèvent un ou plusieurs enfants sans l’aide de leur conjoint ou de leur « ex ». Derrière le terme de monoparentalité se cachent des vies entières marquées par la précarité, la solitude et les galères quotidiennes. Une famille sur quatre est aujourd’hui monoparentale, soit deux millions de foyers et 3,1 millions d’enfants mineurs. Ces chiffres, loin d’être de simples statistiques, représentent autant de destins confrontés à une lutte permanente pour la dignité et la survie.
Dans 82% des cas, ce sont des femmes qui se retrouvent à la tête de ces familles. Elles portent sur leurs épaules le poids écrasant d’une société qui ne reconnait pas leurs engagements sans faille. Elles incarnent une forme de résilience quotidienne, jonglant entre les responsabilités parentales, professionnelles et personnelles avec une détermination forcée par les circonstances.
Une précarité qui s’inscrit dans la durée
La monoparentalité n’est pas toujours un état permanent. Elle dure en moyenne un peu moins de 6 ans (5,7 ans) mais pour 25% des femmes et 11% des hommes, cette situation se prolonge au-delà de dix ans. (...)
Le constat est alarmant : 45% des enfants vivant dans une famille monoparentale sont confrontés à la pauvreté (...)
La triple peine des mères isolées
Les mères isolées subissent de plein fouet ce que l’on pourrait appeler une double, voire une triple peine. Non seulement elles doivent assumer seules l’éducation de leurs enfants, mais elles se retrouvent également confrontées à un marché du travail qui leur est souvent hostile. Emplois précaires, temps partiels subis, horaires atypiques : autant de facteurs qui compliquent leur insertion professionnelle et limitent leurs perspectives d’évolution. Le résultat est sans appel : C’est une perte moyenne de 25% de pouvoir d’achat après une séparation.
Cette précarité financière a des répercussions directes sur tous les aspects de la vie familiale. (...)
Des aides publiques insuffisantes plutôt inadaptées
Que font les pouvoirs publics ? Force est de constater que les réponses apportées sont largement insuffisantes et souvent inadaptées. Il en est de même pour certaines recommandations de ce rapport. Les dispositifs existants, censés soutenir ces familles, continueront de se révéler être un patchwork complexe et peu efficace.
L’allocation de soutien familial (ASF), par exemple, censée compenser l’absence de pension alimentaire, s’élève à seulement 195,85 euros par mois et par enfant. Un montant dérisoire au regard du coût réel de l’éducation d’un enfant. (...)
Un système qui ne tient pas suffisamment compte des familles les plus vulnérables
Plus grave encore, environ un tiers des familles monoparentales ne touchent ni pension ni ASF. Ces familles se retrouvent littéralement abandonnées par un système administratif assez kafkaïen, dans l’incapacité de leur garantir les droits les plus élémentaires. C’est un curieux paradoxe pour notre pays qui se targue d’avoir l’un des systèmes de protection sociale les plus avancés au monde. (...)
Le système actuel de fixation des pensions alimentaires est particulièrement problématique. Basé principalement sur les revenus du parent non-gardien, il ne prend pas suffisamment en compte les besoins réels de l’enfant. De plus, certains parents sont jugés « hors d’état » de payer ou insolvables, et ne contribuent donc pas à l’entretien de leur enfant. (...)
Un parcours du combattant du logement et de la garde d’enfants (...)
Le rapport Iacovelli : des propositions timides face à l’ampleur du problème
Face à ce constat accablant, le rapport Iacovelli propose quelques pistes d’amélioration. Parmi les 42 propositions avancées, certaines méritent d’être soulignées, même si elles restent largement insuffisantes au regard de l’ampleur du problème. (...)
Le sénateur, plutôt fier de lui (voir photo issue de son site) propose une solution « technologique » comme le font régulièrement les membres du gouvernement. « Un problème ? Une application ! » Les familles n’ont pas besoin de carte à glisser dans leurs portefeuilles bien vides, mais de mesure financière d’accompagnement à la formation, d’accès au logement, ou encore l’éducation des enfants. Une carte n’est qu’un outil, mais si, derrière, il n’y a pas de moyens, à quoi servira-t-elle ?
Xavier Iacovelli préconise aussi la « garde alternée » de l’enfant, alternativement chez l’un et l’autre parent, devrait être envisagée « avant toute autre solution ». Il souhaite inscrire ce principe « dans les textes ». Il me semble que la pratique des juges aux affaires familiales le font déjà quand cela est possible. En outre cette proposition fait fi de certaines réalités et des difficultés de enfants à avoir sans cesse à se partager dans des lieux différents. En tout cas ce type de mesure ne coutant rien à l’État préoccupé par son besoin d’économies budgétaires, elle pourra être adoptée sans difficultés.
Des mesures qui ne vont pas assez loin (...)
Pour un véritable statut des familles monoparentales
Si certaines propositions peuvent apparaitre comme un pas dans la bonne direction, elles restent très en deçà des besoins réels des mères et des pères seuls avec un ou plusieurs enfants. Elles ne remettent pas fondamentalement en question un système qui continue de considérer la monoparentalité comme une anomalie plutôt que comme une réalité sociale à part entière.
Il serait grand temps de passer à la vitesse supérieure et de créer un véritable statut pour les familles monoparentales. (...)
Des mesures concrètes et ambitieuses
Il faudrait tout d’abord, une allocation spécifique conséquente, indexée sur le coût réel de l’éducation d’un enfant. (...)
L’accès au logement doit être drastiquement amélioré. (...)
Repenser la garde d’enfants et l’insertion professionnelle (...)
Un investissement pour l’avenir de notre société
La mise en place de ces mesures nécessiterait certes un investissement financier conséquent de la part de l’État. Mais cet investissement doit être vu comme ce qu’il est réellement : un investissement dans l’avenir de notre société. C’est une politique familiale à l’heure de la dénatalité. Soutenir efficacement ces familles, c’est aussi lutter contre la reproduction des inégalités et apporter à ces enfants les moyens non seulement de s’épanouir, mais aussi de réussir leur vie en sortant de la pauvreté.
Il faut le rappeler face aux adeptes de la seule responsabilité individuelle : la société a une dette envers ces mères et ces pères qui se battent seuls au quotidien pour élever leurs enfants dans des conditions souvent difficiles. (...)
L’enjeu dépasse largement le cadre des politiques familiales. C’est un enjeu de cohésion sociale, d’égalité des chances, de lutte contre la pauvreté. (...)