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Les cadavres, des écosystèmes pleins de vie
#necrobiome
Article mis en ligne le 3 novembre 2023
dernière modification le 2 novembre 2023

Les cadavres sont essentiels au développement de la vie : de nombreuses espèces d’oiseaux, d’insectes et de mammifères prospèrent grâce à eux. Or les activités humaines affectent cet écosystème essentiel, appelé le nécrobiome.

Les cadavres sont essentiels au développement de la vie : de nombreuses espèces d’oiseaux, d’insectes et de mammifères prospèrent grâce à eux. Or les activités humaines affectent cet écosystème essentiel, appelé le nécrobiome.

les cadavres grouillent de vie, montre la recherche scientifique. Une multitude d’espèces dépendent de leur décomposition, qui contribue également à enrichir la terre. Ce processus est cependant chamboulé, comme tant d’autres phénomènes, par le changement climatique et les activités humaines.

Le terme « cadavre » évoque rarement des images de joyeux festins. Et pourtant. « Les carcasses d’animaux sont d’incroyables “hotspots” de biodiversité, explique à Reporterre Philip Barton, professeur à l’Université Deakin, en Australie, et l’un des meilleurs spécialistes du sujet. Elles sont très riches en nutriments, ce qui attire un grand nombre d’animaux qui s’en nourrissent. » (...)

Les vautours, rois des nécrophages

Au royaume de la charogne, les vautours restent les rois. Grâce à leur sens accru de l’odorat, ils détectent très vite les composés organiques volatiles émis lors de la décomposition des tissus des cadavres. Leur excellente vision et leurs longues ailes leur permettent d’arriver sur place avant les autres amateurs de cadavres. Autre avantage de taille : leurs intestins sont plus résistants aux toxines produites par les micro-organismes qui colonisent, eux aussi, les corps trépassés. (...)

« Le nécrobiome convertit les morts en ressources pour les vivants » (...)

Les cadavres sont également bénéfiques aux végétaux. En se décomposant – grâce à l’intervention des charognards, des bactéries et des champignons –, ils enrichissent la terre de nombreux éléments chimiques : phosphore, azote, magnésium, potassium, sodium, calcium… (...)

La mort n’est rien ; nous passons seulement dans l’animal – ou la plante – d’à côté.

Les membres du nécrobiome rendent également de nombreux services aux humains. « Ils jouent un rôle crucial pour nettoyer les paysages et maintenir la bonne santé des écosystèmes », indique l’écologue. (...)

Les médicaments vétérinaires, une menace

Le nécrobiome est aujourd’hui en danger. À travers le monde, les populations d’ongulés sauvages ont peu à peu été remplacées par du bétail, note une équipe de chercheurs dans un article publié en 2016. À leur mort, ces animaux domestiques sont souvent brûlés ou enterrés, plutôt que laissés à la disposition des nécrophages. Lorsque les herbivores sauvages sont chassés, leurs carcasses sont par ailleurs souvent emportées loin des becs, des crocs et des antennes des charognards. Résultat : « Il y a trop peu de carcasses dans certains endroits », déplore Philip Barton.

« Trop peu de carcasses, ça veut dire que des espèces comme les vautours ou les aigles ont moins de nourriture pour élever leurs petits, poursuit le chercheur. Ça veut aussi dire qu’il y a moins de recyclage des nutriments dans les chaînes alimentaires. L’écosystème élargi peut se dégrader. » (...)

Les traces de certains médicaments vétérinaires dans les restes des animaux peuvent également porter préjudice au nécrobiome. En Inde, la présence de diclofénac – un anti-inflammatoire interdit en France – dans les carcasses d’1 % des vaches a suffi à exterminer 95 % de la population des vautours. (...)

Disparition des « superprédateurs »

Autre problème : l’extension sans fin des activités humaines provoque la disparition des « superprédateurs » – comme les ours, les loups ou les lions –, qui sont peu à peu remplacés par des « mésoprédateurs » – les renards, par exemple. Ces derniers sont hélas moins doués pour faire disparaître les cadavres des plus gros animaux, ce qui peut augmenter le risque de transmission de maladies. L’urbanisation, l’intensification des pratiques agricoles et la fragmentation des paysages réduisent également les habitats des charognards. (...)

Nos émissions de gaz à effet de serre rebattent elles aussi les cartes du nécrobiome, observe Philip Barton. (...)

Laisser plus de place au nécrobiome, voilà une piste pour conserver de bonnes conditions de vie.

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Ce qui est valorisé dans la terramation, c’est l’idée de la mort régénératrice, de revenir à la terre et de participer au cycle naturel en étant utile aux sols, à la terre, aux plantes. C’est en décalage complet avec l’inhumation et la crémation telles qu’on les conçoit aujourd’hui. (...)