
Saisi par des associations et des particuliers, le Conseil d’État juge que le programme scolaire d’éducation à la vie affective et relationnelle et à la sexualité (EVARS) est conforme à la volonté du Parlement. En effet, la loi prévoit que le service public de l’éducation doit assurer une information et un enseignement dans ce domaine afin notamment d’éduquer les élèves au respect de l’égale dignité des êtres humains et à la lutte contre les discriminations et de contribuer à prévenir les atteintes à l’intégrité physique et psychique des personnes. Le Conseil d’État relève également que ce programme est décliné pour chaque niveau scolaire et qu’il repose sur des notions résultant de l’état de la science ou de l’état du droit, qui doivent être enseignées de manière neutre et objective, sans inciter les élèves à adopter un comportement donné. Pour ces raisons, le Conseil d’État rejette les recours demandant son annulation.
À la suite de recommandations de l’inspection générale du ministère de l’éducation nationale, le Conseil supérieur des programmes, qui réunit des universitaires, des spécialistes de l’école, des parlementaires et des représentants de la société, a élaboré entre 2023 et 2024 un projet de programme d’éducation à la sexualité. Après plusieurs mois de concertation, la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de la recherche et de l’enseignement supérieur a fixé par un arrêté du 3 février 2025 le programme scolaire d’éducation à la vie affective et relationnelle et à la sexualité (EVARS), applicable à compter de l’année scolaire 2025-2026 dans tous les établissements scolaires. Elle a en outre adressé une circulaire aux rectorats et aux directeurs d’école et d’établissements du second degré pour préciser ses modalités de mise en œuvre. Des associations et des particuliers ont demandé au Conseil d’État d’annuler pour excès de pouvoir ces deux textes.
Il juge aujourd’hui que l’arrêté et la circulaire qui fixent et mettent en œuvre le programme EVARS ne sont contraires à aucune des normes juridiques invoquées par les requérants.
L’information et l’éducation à la sexualité sont prévues par la loi
Le Conseil d’État relève d’abord que c’est le code de l’éducation qui, depuis la loi du 4 juillet 20011, prévoit que des séances d’information et d’éducation à la sexualité doivent être organisées pour les élèves, notamment dans le cadre de leur apprentissage de la citoyenneté et de la vie en société. Le législateur a ainsi voulu que le service public de l’éducation forme les élèves au respect de l’égale dignité des êtres humains et à la lutte contre les discriminations et contribue à prévenir les atteintes à l’intégrité physique et psychique des personnes. Dans ce cadre, la loi impose au service public de l’éducation d’apporter aux élèves une information et une éducation à la sexualité, adaptée à leur âge, au moins trois fois par an, en complément du rôle des parents et des familles. En conséquence, le Conseil d’État juge qu’il est de la responsabilité du ministre chargé de l’éducation nationale, en tant qu’autorité compétente pour fixer le contenu des programmes scolaires, de fixer par arrêté le programme contesté.
Le contenu du programme est adapté à chaque niveau scolaire et reprend l’état de la science ou du droit
Le Conseil d’État constate ensuite que le programme consiste en une éducation à la vie affective et relationnelle à l’école maternelle et à l’école élémentaire, à laquelle s’ajoute une éducation sexuelle à partir du collège. Il comporte trois axes : « se connaître, vivre et grandir avec son corps » ; « rencontrer les autres et construire des relations, s’y épanouir » ; « trouver sa place dans la société, être libre et responsable », qui sont déclinés dans le champ biologique, le champ psycho-émotionnel et les champs juridique et social. Pour chaque niveau scolaire, chacun de ces axes fait l’objet de développements spécifiques qui reposent sur des notions résultant de l’état de la science ou de l’état du droit. Le Conseil d’État rappelle que celles-ci doivent être enseignées de manière neutre et objective, en veillant au respect de l’intimité des élèves, et sans les inciter à adopter un comportement donné. Il relève enfin que les élèves ne seront pas évalués sur ces enseignements.
Les séances consacrées au programme EVARS font l’objet d’une organisation spécifique dans les écoles et établissements scolaires
Le Conseil d’État relève que la circulaire demande aux écoles et établissements de concevoir collégialement un programme pédagogique de mise en œuvre du programme EVARS. En outre, elle indique que lorsqu’ils font appel à des associations spécialisées, ils doivent préparer avec elles leur intervention et que cette intervention doit se faire en présence d’un personnel de l’éducation nationale. Enfin, il est prévu que les établissements doivent au minimum informer chaque année les parents d’élèves des objectifs de cet enseignement, rien n’interdisant qu’ils aillent d’ailleurs au-delà de cette seule information. Le Conseil d’État indique dans sa décision que les parents peuvent en outre, comme le permet l’article D. 114-1 du code de l’éducation, faire des demandes d’information ou des demandes d’entrevues, notamment pour signaler la situation particulière d’un élève.
Compte tenu du contenu du programme EVARS et de ses modalités de dispensation, le Conseil d’État juge que l’arrêté et la circulaire attaqués respectent le principe de neutralité du service public de l’enseignement, la liberté de conscience des élèves et de leurs parents, le droit des parents à éduquer leurs enfants selon leurs convictions et plus généralement, leur autorité parentale.
Pour toutes ces raisons, le Conseil d’État rejette les deux recours dont il était saisi.
Lire aussi :
– (l’Huanité, 25 mars 2025)
« Le but, c’est de décrire en détail comment faire un cunnilingus » : comment les réacs font croisade contre l’éducation à la vie affective et sexuelle
Les nouveaux cours du programme Evars vont entrer en vigueur dans les écoles, collèges et lycées en septembre 2025. Un projet victime de fake news et d’attaques de la part des conservateurs. (...)
Collectifs d’extrême droite et complotiste
« Cette nouvelle version de l’Evars a pour but de décrire en détail comment faire un cunnilingus ou une fellation. C’est inadmissible ! Enseigner à envoyer des photos dénudées, c’est banaliser le sexe », tempête une mère sur les réseaux sociaux.
« Laissez aux enfants leur innocence. C’est du lavage de cerveau, assène une autre. La sexualité doit rester dans l’intimité de chaque personne, de chaque famille. » Face à la vague de désinformation, les syndicats et fédérations de parents d’élèves et d’enseignants tentent d’expliquer aux parents le réel contenu de ces quelques heures annuelles de cours adaptés en fonction des âges. Des formations et réunions organisées par la FCPE et la FSU s’enchaînent. (...)
« Le gouvernement nous délaisse complètement »
Sans cours d’éducation sexuelle, sans apprendre les notions de consentement et de respect de son corps et de celui des autres, ces jeunes risquent de reproduire des archétypes patriarcaux : considérer une femme comme soumise et inférieure qui jouit dans la douleur. 50 % des vidéos comportent des violences physiques contre les femmes, et 97 % des violences verbales, selon le Haut Conseil à l’égalité entre les hommes et les femmes. « Il est intolérable de se construire avec la culture du viol », poursuit Hélène Bidard.
Selon Fanny Gallot et son collègue sociologue Simon Massei, si des opposants à l’Evars s’inscrivent « explicitement dans une logique conservatrice voire réactionnaire, d’autres se nourrissent de la désillusion collective éprouvée par de nombreuses familles populaires vis-à-vis de l’institution scolaire ». Ces dernières craignent que l’Evars stigmatise davantage les classes populaires, notamment celles issues de l’immigration.
« Elles ont l’impression que l’éducation nationale se perd au travers de polémiques récurrentes sur les mères accompagnatrices voilées ou encore sur l’abaya. Ces parents ont du mal à faire confiance », poursuit la chercheuse. Et lorsqu’un parent inquiet cherche à se renseigner, le ministère concerné renvoie aux documents en ligne de l’Evars. Or, certaines familles ne parlent pas français et ne savent ni lire ni écrire.
« Nous prenons évidemment du temps pour les rassurer, mais ce n’est pas notre rôle principal. Le gouvernement nous délaisse complètement, il ne prend pas ses responsabilités », souligne Nageate Belahcen, présidente de la FCPE 94. « Comme d’habitude, ce sont les professeurs qui casquent. Dans certaines écoles, certains ramassent les pots cassés, se font insulter et subissent des menaces par courrier », poursuit la syndicaliste. (...)