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Le Portugal célèbre les 50 ans de la chute de la dictature sur fond de percée de l’extrême droite
#Portugal #revolutiondesoeillets #extremedroite
Article mis en ligne le 18 mars 2024
dernière modification le 16 mars 2024

Le 16 mars 1974, une tentative ratée de coup d’État avait lieu au Portugal contre le régime salazariste. Ce premier soubresaut devait conduire quelques semaines plus tard à la "révolution des œillets". Alors que le pays s’apprête à commémorer les cinquante ans de la chute de la dictature, l’extrême droite vient de faire une percée inédite lors des élections législatives.

Le Portugal va commémorer dans les prochaines semaines les cinquante ans de la "révolution des œillets". Cet anniversaire coïncide avec une poussée des populistes dans le paysage politique national. Lors des élections législatives organisées le 10 mars, le parti d’extrême droite Chega ("Assez", en portugais) dirigé par André Ventura, 41 ans, a plus que doublé son score en obtenant 18 % des suffrages. Cette formation antisystème est portée par son discours contre la corruption et les minorités, ainsi que par une certaine nostalgie de la dictature salazariste.

Il y a cinquante ans, au début de l’année 1974, ce régime autoritaire, conservateur et nationaliste vivait ces derniers instants (...)

"Une dictature de 48 ans est tombée avec relativement peu d’effusion de sang. Il y a eu seulement quatre morts civils, qui ont été tués par la police politique", décrit l’historien Victor Pereira, chercheur à l’Institut d’histoire contemporaine de l’Université nouvelle de Lisbonne.
Debout à l’arrière d’un camion, un soldat membre du Mouvement des forces armées brandit des fleurs au bout de son fusil. (...)

L’exception politique portugaise

Le général António de Spínola reçoit la reddition du gouvernement et est choisi pour exercer la charge de président de la République. De façon assez inédite, un putsch militaire porteur d’un projet démocratique (mise en place d’un gouvernement civil, organisation d’élections libres et décolonisation) a fait chuter un régime autoritaire. Pendant deux ans, le pays connaît toutefois une forte instabilité, alors que les différents courants politiques aspirent tous au pouvoir avec six gouvernements provisoires, jusqu’à la mise en place des premières élections et l’adoption de la constitution portugaise.

Pendant près de cinquante ans, le Portugal s’affiche comme un modèle de démocratie, alternant entre la droite et la gauche. Pendant des années, l’extrême droite est absente du débat politique, faisant du Portugal une exception en Europe. (...)

Mais en 2019, les premières fissures se sont sentir. (...)

Un discours anticorruption

Le Portugal a en effet été secoué par une série de scandales de corruption ayant entraîné la démission de l’ancien Premier ministre socialiste, Antonio Costa, après une enquête pour trafic d’influence visant son chef de cabinet. Promettant de "faire le ménage", Chega a surfé sur cette dynamique anticorruption, tout en adoptant également un discours contre l’immigration et pour le "contrôle des frontières", dans un pays où le taux de chômage a bondi de 23 % en un an. Un positionnement qui a fait mouche, notamment auprès des jeunes.

"Il y a une sorte de désenchantement à l’égard du système politique. Ventura s’est enfoncé dans la brèche en disant halte au bipartisme et à ceux qui tapent dans la caisse. Une partie de la jeunesse est assez sensible à ce discours car elle n’a pas connu l’ancien régime de dictature", analyse Yves Léonard, spécialiste de l’histoire contemporaine du Portugal. "Il faut aussi souligner que c’est l’extrême droite 2.0. Chega a une culture des réseaux sociaux et ils sont très fort là-dessus". (...)

Comme ses modèles Donald Trump et Jair Bolsonaro, André Ventura maîtrise les codes de l’information en continu et du buzz médiatique. Il fait partie d’une tendance globale populiste et s’affiche régulièrement avec les leaders de l’extrême droite européenne comme la Française Marine Le Pen, de l’Italien Matteo Salvini ou l’Espagnol Santiago Abascal, qui ont aussi le vent en poupe. L’ancien commentateur sportif a déjà prédit que Chega gagnerait les prochaines élections, que ce soit "dans six mois ou un ou deux ans". (...)

En attendant, 48 députés de son parti vont faire leur entrée au parlement portugais alors que le pays s’apprête à fêter les cinquante ans de sa révolution. (...)

"Il y a une sorte d’ironie de l’histoire. Quarante-huit députés d’extrême droite vont être présents pour un événement marquant la fin de 48 ans de dictature", souligne ainsi Victor Pereira.