
Le travail social est progressivement instrumentalisé par la logique managériale. Démystifier cette gangrène devient primordial.
A l’image de métastases envahissant l’organisme, le management imprègne de plus en plus nos manières d’interagir avec le monde et avec nous-mêmes. Que la pensée critique se saisisse de cet objet s’avère urgent. Ce que nous propose l’essai de Thibault Le Texier qui déconstruit avec pertinence et justesse cette approche.
Tout groupe humain conçoit un modus vivendi qui lui garantit la cohérence de son rythme de vie. Qui façonne son psychisme et polarise son identité ainsi que ses valeurs, rajoute-t-il. Pendant longtemps, ce sont la famille, l’église et l’État qui ont rempli cette fonction. Aujourd’hui, la rationalité managériale les a remplacés. (...)
C’est l’émergence des méthodes d’organisation scientifiques du travail. Elle a été initiée par Frederick Taylor, qui révolutionne le rapport à la production des biens et des services. L’ambition clairement avancée est de rendre celle-ci fonctionnelle, efficace et performante.
Deux postures étaient jusque-là privilégiées. D’abord, l’ingéniosité et la maîtrise, la dextérité et la diligence, l’assiduité et l’intelligence de l’artisan fier de son tour de main. Mais aussi la surveillance du contremaître de la manufacture qui disciplinait et punissait les ouvriers soupçonnés de manquer de loyauté.
Le management change radicalement la donne. Il observe et absorbe, analyse et synthétise afin de rendre l’activité productrice quantifiable et optimisable. La moindre tâche doit être fractionnée en unités élémentaires, mesurables et corrigibles, recomposables sans fin. Le travail est codifié et mis en chiffres, en équations, en tableaux, en graphiques, en courbes. Tout doit être encadré, même l’indéterminé et l’inattendu.
Les différents segments de l’organisation sont confrontés à une mutabilité permanente. Il se dissolvent dans un lacis de projets perpétuellement fluctuants. Le changement ne doit jamais cesser, quels que soient les résultats.
Le management a pour objectif d’arranger les facteurs de production et d’accroitre l’efficacité du facteur humain. A cet effet, il standardise les individus. Leurs rôles sont pré-écrits, intégrés à des scénarios établis à l’avance.
Changement de paradigme
Ils doivent être facilement sélectionnables et interchangeables, prévisibles et reproductibles. (...)
La conduite de l’Etat est à son tour alignée sur la gestion instrumentale et la rationalisation administrative. (...)
Il n’y a pas de fatalité
Pourtant le management n’est ni une science, ni une idéologie. (...)