
Après l’enfer numérique de Guillaume Pitron, la lecture de cet ouvrage de Célia Izoard s’imposait. Même thématique de l’ "hallucination collective de la dématérialisation" et de la transition écologique, mais sous l’angle du minerais et des métaux, cette fois. Cette hallucination collective est due à la tertiarisation de l’économie que nous vivons dans les pays développés de l’hémisphère nord depuis la fin des années 80, où le fantasme de pays et économies sans usines a germé et prospéré. Sauf que les usines n’ont pas disparu, elles ont juste changé de pays et d’hémisphère.
Or la réalité est en train de nous rattraper : nous n’avons jamais autant consommé de métaux, de minerais, de terres rares pour nos ordinateurs, nos serveurs, nos smartphones, nos éoliennes, nos panneaux solaires, l’industrie automobile et ses batteries bourrées de sels rares, tous nécessités par la "transition écologique". Pour la 5G, pour l’aviation, leurs équipements électroniques, et bien sûr, pour l’industrie de l’armement. Tous ces équipements sont-ils nécessaires ? La 5G et ses objets connectés n’est utile que pour l’industrie, les voitures électriques lourdes, monobloc, et leurs batteries de 200 KG, est-ce raisonnable ? Les smartphones qui servent moins à téléphoner qu’à envoyer des vidéos idiotes de soirées arrosées et de chat qui ronflent, et à regarder des vidéos pornographiques, valent-ils qu’on décapite des montagnes (mountain top removing), qu’on exploite et broie et rebroie des crassiers où ne restent des métaux qu’à l’état de traces, amalgamés au mercure et aux traitements à l’acide qui polluent l’environnement, détruisent la terre, rendant impossible les cultures vivrières des habitants du voisinage, et polluant leurs eaux ?
La mine a toujours été coloniale (...)
La guerre en RDC, la mainmise sur l’Afrique de la milice Wagner ou ce qu’il en reste, même la guerre en Ukraine, sont motivées par des arrières pensées minières : le sous-sol de l’Ukraine regorge de minerais. La terre entière ne suffira pas pour notre goinfrerie d’artefacts, et l’autrice doute que la mystique du progrès technique résolve quoi que ce soit. La seule solution c’est la sobriété de l’hémisphère nord, voire sa décroissance, pour permettre aux gens du sud, moins développés, d’accéder à un niveau de vie décent et sobre également. Un livre à lire absolument : très documenté, érudit et convaincant.
La Ruée minière au XXIe siècle : Enquête sur les métaux à l’ère de la transition (French Edition) by Célia Izoard