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La réhabilitation des fusillés pour l’exemple, "le cadavre dans le placard de la Grande Guerre"
#grandeguerre
Article mis en ligne le 11 novembre 2024

Cent dix ans après le début de la Première Guerre mondiale, des histoires continuent de ressortir de l’ombre. À l’occasion du 11-Novembre, France 24 vous propose de découvrir celle de Frédéric-Henri Wolff, le seul officier supérieur français fusillé pour l’exemple. L’auteur Éric Viot, qui se bat depuis des années pour obtenir sa réhabilitation, lui a rendu hommage dans un ouvrage.

Le 1er septembre 1914 à 18 h 45, à Remenoville, en Meurthe-et-Moselle, quelques heures après son passage devant le conseil de guerre, le commandant Frédéric-Henri Wolff est passé par les armes. (...)

Le 25 août, la bataille de Lorraine faisait rage en ce début de Première Guerre mondiale. À la tête du 36e régiment d’infanterie coloniale, Frédéric-Henri Wolff était engagé près du village d’Einvaux, en Meurthe-et-Moselle, face aux troupes allemandes bien abritées qui lancèrent un feu très violent. (...)

Jugeant la position intenable, le commandant aurait alors agité un mouchoir blanc à sa baïonnette pour faire des signaux aux soldats ennemis, puis aurait lancé un ‘sauve-qui-peut’, avant de lancer un mouvement de retraite général. Rapportée par son lieutenant, cette attitude entraîne son arrestation, puis sa condamnation à mort et son exécution. Au total, lors de la Première Guerre mondiale, 1010 personnes ont été fusillées ou exécutées sommairement, selon un décompte établi en 2014, à l’occasion du centenaire, par le Service historique de la Défense. Contrairement à une idée reçue, le plus grand nombre de ces exécutions ont eu lieu en 1914, avec une moyenne de plus d’un fusillé par jour sur les quatre derniers mois de l’année. (...)

"Frédéric-Henri Wolff est le seul officier supérieur fusillé pour l’exemple", ajoute ce passionné de l’histoire de la Première Guerre mondiale (...)

Une demande de réhabilitation collective

Il faudra attendre les commémorations du 80e anniversaire de l’armistice, en 1998, pour que le souvenir des fusillés pour l’exemple sorte de nouveau de l’oubli. Alors Premier ministre, Lionel Jospin fait un premier pas en faveur de leur réhabilitation. "Certains de ces soldats, épuisés par des attaques condamnées à l’avance, glissant dans une boue trempée de sang, plongés dans un désespoir sans fond, refusèrent d’être des sacrifiés. Que ces soldats, ’fusillés pour l’exemple’, au nom d’une discipline dont la rigueur n’avait d’égale que la dureté des combats, réintègrent aujourd’hui, pleinement, notre mémoire collective nationale", avait-il déclaré à Craonne (Aisne), en faisant référence aux mutins du Chemin des Dames.

Dix ans plus tard, le président Nicolas Sarkozy avait également évoqué les "fusillés pour l’exemple qui attendent encore qu’on leur rende justice". Mais celle-ci n’est pas venue. Lors du centenaire, son successeur François Hollande n’a pas non plus opté pour une franche réhabilitation. Il a simplement demandé qu’une place leur soit réservée symboliquement au musée de l’Armée, aux Invalides.

Malgré ces réticences au plus haut sommet de l’État, Éric Viot continue de réclamer une réhabilitation collective. En 2017, il s’est adressé au président Emmanuel Macron. Mais ses attentes ont été vite refroidies (...)

Un "cadavre dans le placard de la Grande Guerre"

Comment expliquer ces oppositions à une réhabilitation collective ? Pour l’historien Jean-Yves Le Naour, l’un des grands spécialistes de la Grande Guerre, de nombreux politiques ont émis des réserves en raison de la présence, parmi les fusillés de 14-18, "de soldats qui l’ont été pour des crimes de droit commun, comme des assassinats". Pour contrer cet argument, une proposition de loi avec une liste plus restrictive concernant 639 hommes a été déposée devant l’Assemblée nationale en janvier 2022. "Le défaut des propositions précédentes était justement de tout englober. En éliminant les droits communs d’une réhabilitation collective, qui n’ont rien à voir avec le refus d’obéissance caractérisant les fusillés pour l’exemple, l’argument hostile disparaissait", souligne ce spécialiste de la Grande Guerre qui a été auditionnée à cette occasion par une commission parlementaire.

Ce texte a été adopté par les députés avant d’être rejeté par les sénateurs en février 2023. Il a depuis été renvoyé à l’Assemblée nationale pour une seconde lecture. Pour Jean-Yves Le Naour, la question est loin d’être réglée. Selon l’historien, "les anciens combattants de 14-18 étaient pourtant largement favorables aux réhabilitations", mais aujourd’hui, la situation s’est retournée. "Les associations d’anciens combattants sont vent debout et, avec une partie de la droite, estiment qu’on attaque l’honneur de l’armée".

Pourtant, dans d’autres pays, cette page douloureuse de l’histoire a déjà été refermée. (...)

La Nouvelle-Zélande (2000), le Canada (2001) et la Grande-Bretagne (2006) ont choisi de reconnaître sous différentes formes l’injustice faite à l’ensemble des fusillés. "Pourquoi les Français seraient-ils incapables d’en faire autant ?" (...)

"Sauver mes hommes", Éric Viot