
Alors que les négociations pour un Traité mondial contre la pollution plastique doivent aboutir d’ici fin 2024 et que les lobbys industriels nient la pollution, des scientifiques français plaident pour attaquer les responsables au portefeuille.
Pas un mois ne passe sans que la pollution plastique ne fasse l’actualité d’une façon ou d’une autre. Il faut dire que nul écosystème n’échappe à la pollution plastique. En moins d’un siècle, nous avons produit deux fois plus de plastique en masse qu’il n’existe d’animaux sur terre.
La majeure partie de ces plastiques deviennent finalement des déchets et contribuent à la saturation d’un système de gestion déjà à bout de souffle. Mais la problématique de la pollution plastique va bien au-delà de la question des déchets mal gérés : les plastiques polluent à toutes les étapes de leur cycle de vie. C’est ainsi qu’ils affectent tous les écosystèmes, du fond des océans jusqu’à l’air que nous respirons, en passant par les sols qui nous nourrissent.
Les scientifiques ne cessent d’alerter sur cette pollution qui a conduit à la plastification de notre planète en nuisant profondément à la santé humaine. Ces derniers ont un rôle à jouer dans les négociations internationales, comme à Ottawa (Canada) en avril 2024. Il s’agissait de la quatrième et avant-dernière session de négociation du traité mondial contre la pollution plastique (CIN-4. Depuis, le travail continue jusqu’à la dernière étape pour la finalisation du Traité, en novembre 2024 à Busan, en Corée du Sud. (...)
Des experts indépendants ont donc décidé de former une coalition internationale de scientifiques pour rapporter les faits scientifiques de façon indépendante lors des négociations du traité. La coalition des scientifiques pour un traité efficace sur les plastiques s’est ainsi constituée en novembre 2022. Elle compte aujourd’hui plus de 350 scientifiques dans le monde et s’appuie sur une politique très stricte en matière de conflits d’intérêts, notamment vis-à-vis des industries chimiques ou pétrolières.
Depuis sa création, la coalition des scientifiques a produit 17 notes d’information et de synthèse pour sensibiliser sur les connaissances scientifiques actuelles relatives aux plastiques. (...)
Les lobbys industriels représentaient 10 % des participants à l’occasion des dernières négociations, et certains d’entre eux n’ont pas hésité à aller jusqu’à nier l’évidence de la pollution plastique. (...)
Prendre en compte le cycle de vie complet des plastiques
Notre première victoire a été de recentrer les débats non pas sur la gestion des déchets, mais sur le cycle de vie complet des plastiques, qui est l’objet du mandat initial donné au PNUE. Le cycle de vie du plastique commence en effet avec l’extraction des matières premières (99 % des plastiques sont dérivés du pétrole) et inclut les différentes étapes de production et de transformation des plastiques, leur conditionnement, leur distribution et leur consommation. (...)
Seuls 9 % des déchets plastiques sont recyclés à l’échelle planétaire, mettant à mal l’image d’une économie dite « circulaire ».
En France, nos poubelles jaunes peinent à recycler tous les déchets plastiques (en 2021, 59 % des bouteilles et flacons l’étaient, mais seulement 11 % des autres emballages en plastique). La grande majorité termine dans des incinérateurs qui, même contrôlés, polluent l’atmosphère, ou dans des décharges qui contaminent les sols et les eaux. Les dangers pour la faune et la flore terrestre ou aquatique et jusqu’à l’humain ont été démontrés et rapportés dans de nombreux articles scientifiques.
Diminuer la production mondiale de plastiques (...)
La coalition des scientifiques a montré que la lutte contre la pollution plastique repose en priorité sur la diminution de la production mondiale des plastiques primaires, qui a dépassé les 400 millions de tonnes par an en 2019.
Évidemment, de nombreux pays producteurs de pétrole s’y opposent, mais les récentes déclarations des pays du G7 (dont les États-Unis et le Canada) qui se sont engagés à réduire cette production ont légitimé cette option. (...)
Agir contre ces plastiques, tels que ceux à usage unique ou ceux du secteur de l’emballage, offre des pistes pour contribuer à la réduction de la production de plastiques.
S’attaquer aux produits chimiques
Un troisième enjeu est la réglementation, la simplification et la réduction des produits chimiques qui constituent aujourd’hui les plastiques. Parmi une longue liste de plus de 16 000 substances chimiques retrouvées dans les plastiques commercialisés, plus de 4300 ont des effets toxiques avérés et la moitié ont des impacts encore inconnus.
Les scientifiques ont ainsi établi une liste noire de produits chimiques dangereux, exigeant par la même occasion la levée du secret industriel pour une transparence et un étiquetage des produits mis sur le marché.
Faire payer les responsables (...)
La pollution plastique contribue à la triple crise planétaire qui inclut le changement climatique, la perte de biodiversité et la pollution. Qui doit payer pour les effets des plastiques tout au long de leur cycle de vie, sur la santé humaine et la santé de l’environnement ? Comment répartir les coûts entre producteurs et consommateurs ? (...)
Les mécanismes financiers devraient ainsi prendre en compte le coût de l’effet des plastiques sur le changement climatique, sur la perte de biodiversité, et sur la pollution. (...)
Les campagnes de désinformation et les nouveaux cas d’intimidation de scientifiques par des lobbyistes n’ont pas empêché de nombreux pays de mettre en avant l’importance de fonder le Traité sur des faits scientifiques robustes et indépendants. Le travail continue pendant l’intersession avant la dernière étape pour la finalisation du Traité en novembre 2024 à Busan (Corée du Sud).
L’enjeu est la prise en compte sans réserve des impacts des plastiques et de leurs composés chimiques sur la santé humaine et environnementale dans le Traité.
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