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La France, alignée avec la Hongrie de Viktor Orbán, insiste pour surveiller les journalistes sans autorisation judiciaire
#journalisme #UE
Article mis en ligne le 27 avril 2024
dernière modification le 20 février 2024

Au cours d’une réunion organisée à Bruxelles le 12 décembre, la France, main dans la main avec la Hongrie, a réclamé des mesures toujours plus liberticides contre les journalistes dans le cadre des discussions sur l’European Media Freedom Act, révèlent de nouveaux documents obtenus par Disclose, Investigate Europe et Follow the Money.

Le 12 décembre, les 27 États membres de l’Union européenne se sont donné rendez-vous à Bruxelles pour amender leur proposition de loi sur la liberté des médias, l’European Media Freedom Act. Objectif : se mettre d’accord sur une version moins controversée de l’article 4 sur la protection des sources journalistiques.

Le Conseil de l’UE militait jusqu’alors pour une version de l’article 4 autorisant les logiciels espions au nom de la « sécurité nationale » et dans le cadre d’enquêtes judiciaires portant sur une liste de trente-deux délits, comme l’ont révélé Disclose et ses partenaires. Des journalistes en contact avec des sources visées par des enquêtes pour corruption, contrefaçon, sabotage ou violation de propriété privée… pourront faire l’objet d’une surveillance policière.

Sur ces deux points, dénoncés dans une pétition signée par soixante-quinze rédactions, organisations, collectifs, et syndicats de journalistes, la position du conseil de l’UE n’a pas changé d’un iota, d’après un compte-rendu de la réunion. Au mieux, peut-on lire dans ce document que nous ne pouvons rendre public pour des raisons de confidentialité, « une reformulation » de l’exception de sécurité nationale « pourra être négociée » le vendredi 15 décembre. Soit, le jour des ultimes négociations entre le Conseil de l’UE, le Parlement et la Commission.

Une nouvelle garantie « très problématique » pour la France

Si les 27 se sont montrés plutôt inflexibles sur la question de la « sécurité nationale » et des 32 délits, ils ont tout de même accepté d’ajouter une légère garantie à la protection des sources. Et ce, en vue de trouver un accord avec le Parlement européen. C’est du moins ce qu’indique un autre document obtenu par Disclose et ses partenaires. Il s’agit du compromis établi avant la réunion, et sur la base duquel ont porté les discussions.

D’après cette note de quatre pages, les gouvernements se sont dits prêts à accepter qu’une « autorité judiciaire ou une autorité indépendante et impartiale » donne son accord avant toute mesure de surveillance, de perquisition ou de déploiement de logiciels espions contre les journalistes.

Mais au cours des discussions, un pays s’est farouchement opposé à cet amendement : la France. (...)

« Seule la France s’est exprimée en faveur de cette vision restrictive », note la présidence espagnole du Conseil, qui suggère donc de se ranger à l’avis du Parlement européen le jour du trilogue, le 15 décembre. (...)

La France défend la même ligne que la Hongrie

Lors de la réunion du 12 décembre, un autre point défendu par le Parlement européen a été âprement débattu : l’obligation d’informer a posteriori les journalistes qui ont été ciblés par des mesures de surveillance dans le cadre d’enquêtes judiciaires. Là-dessus, la France partage la même vision que le régime autoritaire de Viktor Orban en Hongrie. (...)

L’opposition bruyante des autorités françaises et hongroises a contraint le Conseil de l’UE à mettre cette proposition de côté, pour éventuellement la poser sur la table des négociations, le 15 décembre.

Lire aussi :

 (Acrimed)
La France doit garantir et renforcer la protection des sources des journalistes, pas la torpiller

Nous, syndicats de journalistes, sociétés des journalistes, associations, médias, considérons que la liberté de la presse ne peut pas s’accommoder d’une exception de sécurité nationale autorisant l’espionnage des journalistes. Ceci est pourtant l’objet d’un actuel vif lobbying de l’Etat français dans le cadre de l’imminente adoption du règlement européen sur la liberté de la presse et des médias (European media freedom act, EMFA).

Les gouvernements des États membres, les eurodéputé·es et la Commission européenne ont jusqu’à ce vendredi 15 décembre pour trouver un compromis sur ce texte. Or, si ce texte comporte une très grande majorité de dispositions renforçant la liberté de la presse, et donc est un progrès, il comporte hélas aussi quelques dispositions liberticides. (...)

Lire aussi :

 (Le Temps.ch)
Accord trouvé sur une première loi européenne sur « la liberté des médias »

Les eurodéputés et les Etats membres de l’UE se sont accordés vendredi sur une législation destinée à protéger le pluralisme et l’indépendance des médias, ont annoncé le Parlement européen et le Conseil (...)

Pour la première fois au niveau européen, nous avons une législation qui garantit la liberté des médias, l’indépendance des médias et la protection des journalistes. » C’est ce qu’a déclaré l’eurodéputée allemande Sabine Verheyen (PPE, droite), rapporteure du texte, lors d’une conférence de presse ce vendredi à l’issue des négociations.

Elle s’est félicitée d’une « occasion historique ». Ce projet de règlement a été présenté en septembre 2022 par la Commission européenne pour protéger le pluralisme et l’indépendance des médias, face à une détérioration de la situation dans des pays de l’UE, comme la Hongrie et la Pologne, mais aussi aux logiciels espions type Pegasus ou Predator utilisés contre des journalistes.

L’accord trouvé vendredi devra encore être formellement adopté par le Parlement européen et par le Conseil (représentant les 27 pays membres). Le texte porte notamment sur le respect du secret des sources journalistiques et sur l’interdiction de déployer ces logiciels espions dans des appareils utilisés par des journalistes.
Exception

Pendant les négociations, plusieurs Etats membres dont la France avaient insisté pour inclure des possibilités d’exception à l’interdiction de surveiller les journalistes, au nom de la « sécurité nationale », suscitant l’inquiétude de la profession et des défenseurs de la liberté de la presse.

Le texte de compromis trouvé vendredi ne contient « pas de référence à la sécurité nationale », a affirmé l’eurodéputée roumaine Ramona Strugariu (Renew Europe, centristes et libéraux). La surveillance, comme l’utilisation de logiciels espions dans des appareils utilisés par des journalistes, n’est possible que si elle est autorisée par « une décision judiciaire » et dans les cas de « crimes graves », a souligné Sabine Verheyen. (...)
(...)

Reporters sans frontières (RSF) s’est félicité d’avoir « remporté une victoire ». « Très grande satisfaction […] la mention sur la clause d’exception de sécurité nationale a été supprimée », a réagi son secrétaire général, Christophe Deloire, saluant « des avancées significatives en matière de lutte contre la surveillance et de protection du secret des sources ».
Modération par les plateformes

Autre point crucial de la législation : la question de la modération des contenus journalistiques par les plateformes en ligne. Afin d’éviter que ces plateformes ne suppriment ou restreignent arbitrairement des articles ou des reportages vidéo, la loi prévoit un traitement à part pour les médias respectant un certain nombre de conditions, notamment l’indépendance.

Si une plateforme estime que le contenu d’un tel média enfreint ses règles d’utilisation, elle doit l’avertir 24 heures avant de procéder à une éventuelle suspension, afin de lui laisser le temps de se défendre. Ce délai peut être réduit dans des cas de menace grave à la sécurité ou à la santé publique par exemple. (...)