Un rapport de l’Australian Strategic Policy Institute montre comment la Chine utilise l’IA générative pour transformer son système de contrôle de la population en un instrument encore plus précis pour renforcer la désinformation et la surveillance biométrique. Le marché de l’innovation créé par le pouvoir « permet aux entreprises de se conformer plus facilement et à moindre coût aux obligations de censure ».
L’utilisation de l’IA en Chine pour la surveillance de la population n’est pas nouvelle. Concernant l’IA générative, dès la sortie de DeepSeek-R1, on pouvait constater une censure au sujet de Taïwan, de la répression de la place de Tian’Anmen en 1989 ou de Xi Jinping, notamment.
Mais, selon l’Australian Strategic Policy Institute (ASPI, un think tank australien financé essentiellement par son gouvernement), la Chine s’appuie maintenant grandement sur les LLM pour automatiser la censure, renforcer la surveillance et réprimer préventivement la dissidence. Ainsi, elle peut transformer son système de contrôle étatique « en un instrument de précision permettant de gérer la population et de cibler des groupes à l’intérieur et à l’extérieur du pays ».
Dans l’introduction de son rapport [PDF], l’ASPI signale déjà l’importance du jeu sémantique des autorités chinoises qui utilisent le terme de « sureté de l’IA » (AI safety en anglais) non pas comme un concept de protection des utilisateurs contre les dangers ou les biais, mais pour s’assurer que l’IA serve les valeurs fondamentales censées être défendues par le régime et la stabilité politique de l’État. (...)
Lorsque les modèles chinois répondent, leur description des images a tendance à mettre en sourdine certains éléments. Ainsi, pour décrire l’imagerie du massacre de la place Tian’Anmen, Qwen, GLM ou Ernie évoquent très peu la censure, la répression, les demandes de plus de démocratie et les détails factuels par rapport à ChatGPT et Gemini. Par contre, les modèles chinois vont avoir tendance à générer des justifications de la répression (...)
Les chercheurs de l’ASPI ont aussi constaté des différences parfois importantes dans les réponses données par les chatbots chinois entre les réponses faites lorsqu’ils sont utilisés en chinois ou en anglais : « Qwen a présenté la plus grande divergence interlinguistique, en particulier pour les images liées au génocide ouïghour, au Falun Gong [mouvement spirituel réprimé en Chine, ndlr] et à l’indépendance du Tibet ». (...)
« La menace réside moins dans la propagande ouverte que dans l’effacement silencieux, lorsque la machine qui décrit la réalité commence à décider quelles parties de la réalité peuvent être vues », pointe l’ASPI.
Un marché concurrentiel de la censure
Cette censure est visible à travers les contenus en ligne, explique le think tank : « en Chine, l’IA effectue désormais une grande partie du travail de censure en ligne, analysant d’énormes volumes de contenu numérique, signalant les violations potentielles et supprimant les contenus interdits en quelques secondes. Cependant, le système dépend toujours des modérateurs de contenu pour fournir le jugement culturel et politique qui fait défaut aux algorithmes ». (...)
« Ce qui était au départ un régime réglementaire dirigé par le Parti et l’État s’est transformé en un marché concurrentiel, dans lequel les entreprises privées innovent et réalisent des profits en alignant leurs technologies sur les objectifs du Parti communiste chinois », explique le think tank :
« Dans le même temps, la main-d’œuvre humaine peu rémunérée qui entraine, supervise et perfectionne ces systèmes améliorés par l’IA reste indispensable, garantissant que les limites de la liberté d’expression évoluent en fonction des changements politiques ».
Dans son rapport, le think tank décrit aussi un système judiciaire chinois envahi par l’IA depuis l’arrivée des modèles de langage. (...)