
Récemment le gouvernement canadien a affirmé que NORAD (Commandement de défense aérospatial de l’Amérique du Nord) et l’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord) assureront la souveraineté canadienne de l’Arctique. Pourtant NORAD, qui est dirigé par les États-Unis dont le siège est situé à Colorado Springs. Tandis que le siège social de l’OTAN est situé à Bruxelles. Cette décision du gouvernement fédéral donne un contrôle disproportionné sur l’Arctique canadien et menace la souveraineté des Inuits ainsi que l’équilibre de l’écosystème de l’Arctique déjà fragilisé.
En fait, les peuples Inuits de l’Arctique affirment la souveraineté de leur territoire depuis le début de la confédération canadienne. Mais c’est seulement en 2009 que les dirigeants inuits du Groenland, du Canada, de l’Alaska et de la Russie ont rédigé et rectifié la Déclaration circumpolaire des Inuits sur la souveraineté dans l’Arctique, qui affirme leurs droits à l’autodétermination. C’est une déclaration de souveraineté tout à fait exceptionnelle qui a été reprise à maintes reprises par plusieurs chefs d’État.
De plus, le projet menace de fragiliser davantage l’écosystème de l’Arctique qui est touché de plein fouet par les changements climatiques. (...)
Depuis, plusieurs rapports scientifiques, publiés dans les revues Nature et Geophysical Research Letters, ont confirmé les études de Myers-Smith, l’Arctique est un écosystème océanique extrêmement vulnérable et se réchauffe effectivement quatre fois plus vite que partout ailleurs sur la planète. (...)
Selon Myers-Smith les études scientifiques dans l’Arctique se concentrent sur ce qui se passe en surface, mais la plupart des questions vraiment importantes se posent sous la surface du sol, où une grande quantité de carbone est stockée en Arctique. (...)
Pour limiter les dégâts, les Inuits du nord du Canada veulent continuer à protéger leur territoire, leur culture et l’environnement. Ils veulent conserver la souveraineté sur leur territoire et refusent que l’Inuit Nunangat serve de butin de guerre que souhaitent s’approprier les grandes puissances militaires pour éventuellement en extraire les gigantesques ressources. Leur terre ancestrale, qu’ils appellent Inuit Nunangat, englobe non seulement la terre mais en plus l’eau, la mer et la glace. L’Inuit Nunangat représente 40 pour cent de la superficie du Canada et plus de 70 pour cent de son littoral. Les peuples autochtones représentent la moitié de la population de l’arctique canadienne soit environ 200 000 personnes et ils vivent dans plus de 51 communautés réparties sur l’ensemble du territoire.
Les dégâts causés par les militaires durant la guerre froide (...)
La militarisation exacerbe le changement climatique et la perte de biodiversité
Lors de leur conférence de presse conjointe au Nunavut, Blair et Joly n’ont pas reconnu que la modernisation de NORAD par le Canada et les opérations de l’OTAN auraient des impacts climatiques et environnementaux désastreux dans l’Arctique.
À mesure que le pergélisol fond et que les océans s’acidifient, la faune arctique est de plus en plus menacée. Le rapport Espèces en péril du Canada : Nunavut montre qu’en raison du changement climatique, il y a plus d’espèces en voie de disparition qu’auparavant, notamment le caribou, l’ours polaire, les poissons, les phoques et les baleines. Le déploiement d’avions militaires et de navires militaires dans la région pour le NORAD et l’OTAN vont entraîner davantage de bruit, davantage d’espèces envahissantes et des dommages environnementaux, aggravant l’environnement des espèces déjà en péril. La perte de biodiversité dans le Nord aura un impact négatif sur les pratiques de chasse et de cueillette des Inuits et sur leur sécurité alimentaire. (...)
Vers une zone arctique de paix
Par ailleurs, les gouvernements canadien, européen et russe auraient tout intérêt à suivre l’exemple des peuples Inuits de l’Arctique qui coopèrent et se sont engagés dans la consolidation de la paix par l’intermédiaire du Conseil circumpolaire inuit(CCI) et du Conseil de l’Arctique (ICC). L’ICC est une organisation non gouvernementale fondée en 1977. Elle représente environ 180 000 Inuits au Canada, en Alaska, au Groenland et en Russie et possède un statut consultatif auprès des Nations Unies. En 1989, Mary Simon, alors présidente du CCI, a publié un article intitulé Vers une zone arctique de paix : une perspective inuite dans la revue canadienne Peace Research. (...)
Dans la Déclaration d’Utqiaġvik de 2018 et le Cadre politique pour l’Arctique et le Nord de 2019, les Inuits ont été explicites dans leurs appels à la paix et à la coopération. (...)
autres membres permanents (européens et canadiens) ont décidé de boycotter les réunions du Conseil. Ainsi, au lieu de soutenir les négociations visant à la protection de l’écosystème de l’Arctique et la paix entre les différents peuples du Nord, le Canada et les six autres membres permanents du Conseil de l’Arctique veulent militariser le territoire. La position guerrière de ces gouvernements contredit l’approche inuite. (...)
L’actuelle présidente de la CCI, Lisa Qiluqqi Koperqualuk, a réitéré le droit des Inuits à la paix et la priorité de faire de leur patrie une zone de paix dans son exposé lors de l’étude sénatoriale sur l’Arctique en novembre 2022. Elle a souligné les valeurs de la CCI :
- le désarmement,
- la résolution non violente des conflits,
- la coopération internationale, y compris avec la Russie.
Pour protéger les communautés autochtones et l’écosystème de l’Arctique, les conflits entre les États de l’Arctique doivent être résolus par la diplomatie et le droit international, et non par les armes et les avions de guerre (...)
Finalement, le gouvernement canadien doit respecter la déclaration de souveraineté des Inuits et leur exigence de paix, de coopération et de développement durable dans l’Arctique. Ainsi, le gouvernement Trudeau doit annuler tous ces projets de militarisation du Nord pour le NORAD et l’OTAN, car les effets sur l’ensemble de l’humanité et sur les communautés Inuits seront irréversibles.