
A la suite de l’essai Emancipation de la psychiatrie qui remet en perspective les acquis institutionnels de la psychothérapie institutionnelle et du secteur de psychiatrie publique généraliste, L’accueil, une clinique d’hospitalité, utopie concrète du soin psychique, le reprend à partir de pratiques cliniques d’accueil du soin psychique émancipatrice de la « valeur humaine » en psychiatrie. L’humain, technique alternative en est l’enjeu politique majeur d’accès inconditionnel aux soins psychique dans la société, que ce soit pour les populations autochtones ou pour les réfugiés et exilés migrant de l’humanitaire.
L’introduction resitue la mise en crise politique de la dimension institutionnelle des acquis et des pratiques cliniques de la psychiatrie publique. Leur destruction radicale est l’imposition d’une politique néolibérale dont le management économiste de financiarisation du soin en marchandise à marche forcée réduit le sujet à un objet évaluable objectif. Annoncée comme modernité du capitalisme, son mécanisme gestionnaire et administratif dessaisit la décision soignante d’organisation du soin et transforme l’hospitalisation et le secteur de psychiatrie en outil de production rentable de soin. Le soin marchandise sur un marché rentable public-privé qui repose sur un retour sur investissement déshumanise l’acte de soin. (...)
Il en résulte la mise en crise dramatique dans ses moyens et son éthique de la relation soignante avec les patient.es. Ce sont les acquis institutionnels d’une pratique clinique relationnelle soignante avec la personne et de collectifs avec les patient.es qui rendent l’hôpital et le soin de secteur psychiatrique qui sont violemment annulés dans ses moyens et son éthique dans la société, en lien avec le médico-social et les acteurs de terrain. Imposé par les recommandations de « bonnes pratiques » opposables de la Haute autorité de santé aux équipes soignantes et aux patients, la psychiatrie publique devient un programme de santé mentale positive de contrôle social et de tri avec ses données de saisies algorithmiques. (...)
La décision managériale rend impossible toute continuité relationnelle et toute élaboration soignante avec les patient.es, mais aussi entraine la multiplication de contentions comportementales. La politique de secteur public cesse d’être généraliste et d’intérêt général pour devenir articulation public-privé qui formate les investissements au détriment du service public. (...)
La réification du sujet en chose économique est particulièrement dramatique pour la pédopsychiatrie. (...)
L’ensemble des équipes de soins de la pédopsychiatrie et des CMPP sont soumis aux restructurations public-privé économistes, additionnant leurs fermetures comme dans le secteur adulte. Dans les deux les démissions de soignants du service public sont générales.
Le retour généralisé à l’isolement-enfermement et la généralisation de la contention en est sa dimension sécuritaire. (...)
L’alternative pose donc dès maintenant la résistance de pratiques cliniques et institutionnelles et politiques à ce cours dévastateur. (...)
Si la médication apaise le symptôme, c’est la parole du patient qui lui donne sens de la maladie subjective à traiter pour accéder au sujet social symbolique de la vie sociale.
La réappropriation de la formation aux pratiques cliniques relationnelles et éthiques antérieurs à réactualiser, à réinventer dans une perspective institutionnelle avec les patient.es est celle des soignants en lutte qui restent et résistent dans le service public. (...)
Dès l’accueil le respect de la personne est l’expression de droits humains fondamentaux. La négociation du consentement à quels soins, avec qui et en quel lieu participe de ce cheminement d’une élaboration clinique relationnelle à construire à partir de la parole des patient.es. (...)
La qualité humaine de l’accueil participe de l’institution d’une pratique du soin institutionnelle de la subjectivité à l’hôpital temps plein, l’hôpital de jour et le suivi au centre médico-psychologique (CMP) comme projet global de service. Il est également une ressource refuge dans les suivis au CMP par son ouverture 24h sur 24 pour les patient.es souffrant de psychoses. Son implantation sur le territoire du secteur permet avec le CMP et l’hôpital de jour des actions en commun de recours en cas de crise. Le centre d’accueil est un repère pour les structures animées par les patient.es (Club du Pont-Neuf, appartements associatifs un aller vers les précaires à la rue).
C’est à partir de ce cadre clinique ouvert et de situations cliniques qui l’explicitent que sont mises en débat les connaissances mobilisées et les différentes pratiques cliniques de psychothérapiques de la subjectivité. (...)
Comment traiter la mise en crise des pratiques humaines et sociales d’accès inconditionnel aux soins avec les traumas d’une société traversée par la destruction des services publics et les restes à charge à financer dans le soin ?
Entre fin du monde et fin de mois, réapparait le trauma et la mélancolie. (...)
Le trauma est le retour de la guerre en Europe et aujourd’hui au Moyen-Orient, mais celui de migrations de peuples à la recherche d’un lieu d’asile où vivre également. Chacun et chacune, en individuel ou en collectifs, est en recherche de symbolisation vivante d’un lien social dont l’atteinte met en évidence la destruction antérieure et actuelle d’une santé publique et de son hospitalisation. La souffrance psychique traumatique est l’expression durable et intergénérationnelle d’un travail déshumanisant. (...)
L’anthropologique de la valeur humaine de vie sociale commune ouvre le chapitre sur la politique de non-accueil des migrants et l’alternative de pratiques cliniques et institutionnelles pour mettre fin à la crise de l’accueil soignant de migrant.es réfugié.es issues de guerres et de la destruction des cultures traditionnelles, reproduction d’une colonisation qui ne cesse pas. (...)