
Le 10 juin 2025, Céline Martelet, une journaliste indépendante de 45 ans, est appelée à comparaître devant la cour d’appel de Paris. Jugée en première instance — en même temps qu’une autre journaliste et qu’un avocat — par la XVIe chambre du tribunal correctionnel de Paris, elle a été condamnée, en mars 2024, pour financement du terrorisme.
Dans un entretien à La Revue des médias, elle confie ce qu’elle attend de ce procès en appel. Elle revient sur les actions pour lesquelles elle a été poursuivie, décrit les conséquences de la médiatisation de son histoire et défend son intégrité professionnelle : « Je n’ai commis aucune faute journalistique », dit-elle.
Vous avez été condamnée à 12 mois de prison avec sursis pour financement du terrorisme. Pourquoi avez-vous décidé de faire appel ?
Céline Martelet : Parce que je n’ai pas financé de terroristes. Parce que ce mot « terrorisme » collé à mon nom est une humiliation. C’est insupportable pour moi d’être accusée d’avoir financé des groupes terroristes dont je documente la violence extrême depuis 2013. J’ai été la première à alerter sur la dangerosité des femmes de djihadistes à une époque où on ne les voyait que comme des victimes. Je veux saisir l’opportunité de ce deuxième procès pour essayer de mieux expliquer ce qui s’est passé.
Je fais aussi appel parce que le procureur national antiterroriste a achevé son réquisitoire en indiquant qu’il regrettait de ne pas pouvoir m’empêcher d’être journaliste. Cette phrase est scandaleuse, elle porte préjudice à toute la profession. Je m’en veux de ne pas lui avoir rappelé que la presse est heureusement indépendante des pouvoirs en France.
Pour quels faits êtes-vous poursuivie ?
Je suis poursuivie pour des faits qui se déroulent dans un contexte particulier, en 2016-2017. À l’époque, énormément de djihadistes français cherchent à quitter la Syrie par tous les moyens. La majorité d’entre eux contacte les autorités françaises pour demander de l’aide. Les familles de ces Françaises et Français partis rejoindre Daech payent pour les sortir de là, elles font toutes appel à des passeurs, et sont toutes confrontées à une souffrance abyssale.
J’ai été condamnée pour financement du terrorisme pour avoir aidé à envoyer 350 euros — une somme qui ne m’appartient pas et que je n’ai jamais eu en main — à une jeune femme partie en Syrie à 14 ans, coincée dans le siège de Raqqa, mi 2017. Elle était en train de mourir de faim, l’un de ses deux enfants était déjà mort de faim, et sa mère, qui était une de mes sources, cherchait un moyen de lui faire parvenir un peu d’argent pour survivre. J’ai accepté d’aider sa mère à transférer ces 350 euros à un contact en Turquie.
Il n’y avait évidemment aucune volonté de ma part d’aider cette jeune fille à se maintenir sur zone, ni aucune volonté de l’aider à financer une quelconque action violente. (...)