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La revue des medias INA
journalistes, ils travaillent sous la menace d’organisations paramilitaires
#jouralismes #paramiliaires #procesbaillons
Article mis en ligne le 28 août 2025
dernière modification le 26 août 2025

Ces intimidations sont souvent signées par des organisations paramilitaires reconverties en groupes criminels depuis la fin de la guerre en 1998. Près de trente ans après, les médias peinent à enquêter sur ce conflit, menacés, de plus, par des procès en diffamation.

Début mai, dans la salle du tribunal de Four Courts à Dublin, une vingtaine de journalistes se serrent sur les bancs réservés à la presse. Pas question de rater ce procès sans précédent qui oppose la BBC, l’audiovisuel public britannique, à Gerry Adams, devenu une « icône » pour son rôle de négociateur de la fin des Troubles en Irlande du Nord. Cette guerre civile a opposé de 1968 à 1998 les catholiques favorables à la réunification de l’île, représentés par l’Armée républicaine irlandaise (IRA), aux protestants fidèles au Royaume-Uni.

Gerry Adams attaquait la BBC en diffamation après la diffusion d’un documentaire en 2016 l’accusant d’avoir ordonné la mort de Denis Donaldson en 2006. Ce dernier aurait été assassiné pour son rôle d’espion pour les services secrets britanniques lors des Troubles. (...)

Dans le tribunal, l’avocat de la BBC commence à perdre patience. Cela fait presque une semaine qu’il énumère, debout, des dizaines d’articles présentant Gerry Adams comme l’ancien chef présumé de l’IRA. À ce titre, il serait responsable de centaines d’assassinats, dont celui de Denis Donaldson. « Pourquoi attaquez-vous en justice la BBC, mais aucun des médias qui portent le même type d’accusation depuis plus de vingt ans ? », s’insurge-t-il. « Mes avocats m’en ont dissuadé car je n’aurais pas eu le droit à un procès équitable », balaie calmement Gerry Adams.

Pourtant, il va gagner. Le jury populaire a estimé fin mai que les accusations de la BBC étaient diffamatoires et l’a condamnée à payer 100 000 euros de dommages et intérêts à Gerry Adams. La BBC se défendait en affirmant détenir cinq témoignages corroborant ses informations, alors que Gerry Adams était député britannique et leader du parti du Sinn Féin au moment de l’assassinat de Denis Donaldson.

Procédures-bâillon

Si ce procès a eu une ampleur inédite, des collectifs de journalistes, dont Reporters sans frontières, alertent depuis plusieurs années sur ce type de procédures-bâillon intentées par le parti de Gerry Adams contre des journalistes. (...)

depuis la condamnation de la BBC contre Gerry Adams, Malachi O’Doherty voit déjà les conséquences dans les rédactions nord-irlandaises pour lesquelles il travaille : « J’ai récemment voulu écrire dans un article “le passé militant de Gerry Adams”, en référence à son rôle présumé de chef de l’IRA. Mais le rédacteur en chef l’a supprimé. Il m’a dit qu’il ne fallait plus prendre aucun risque. »

Trafiquants de drogue

Le Guardian, l’un des principaux quotidiens du Royaume-Uni, s’inquiète aussi que les médias puissent être désormais réticents à enquêter sur le conflit nord-irlandais et sur les hommes politiques au passé trouble. D’autant que les journalistes travaillent déjà dans la peur. Depuis 2019, Amnesty International a recensé plus de 70 menaces de mort, alertes à la bombe et autres actes de violence contre des reporters en Irlande du Nord. Ces menaces viennent surtout d’organisations paramilitaires. Car à la fin de la guerre, la plupart de ces groupes ont abandonné leurs revendications politiques pour se muer en criminels et trafiquants de drogue. (...)

Les coupables n’ont jamais été condamnés. (...)

Portes blindées

À cause de menaces d’attaque à la bombe, des barrières de sécurité ont été installées autour des locaux que partagent le Sunday World et le Belfast Telegraph. À l’entrée, sous la surveillance de caméras, il faut inscrire son nom et ses coordonnées pour obtenir un badge ouvrant les portes du bâtiment. (...)

En reportage, des membres de groupes paramilitaires l’ont déjà agressé, cassé son matériel et détruit son véhicule alors qu’il couvrait une émeute entre catholiques et protestants. Le même type de reportage qui a coûté la vie à Lyra McKee, 29 ans. En 2019, la reporter s’est fait tirer dessus par la Nouvelle IRA lors d’une émeute. Le groupe paramilitaire a assuré qu’elle n’était pas visée.

« De nombreux journalistes ne veulent plus couvrir des sujets qui les mettraient en danger, déplore Kevin Scott. Alors beaucoup d’informations sont passées sous silence en Irlande du Nord. »