
En mars et en avril, les services de contrôle ont fait cesser pour plusieurs semaines les chantiers de Versailles, de la place de la Concorde et de la tour Eiffel. Les conditions de travail ont été jugées trop dangereuses.
(...) Selon nos informations, en mars et en avril, pas moins de trois sites olympiques différents ont vu les travaux de montage des tribunes, confiés à GL Events, être en partie arrêtés. Chaque fois, les inspecteurs locaux ont jugé que les chantiers étaient trop dangereux pour les ouvriers y évoluant, avec un « danger grave et imminent » de chute de grande hauteur. (...)
Comme l’a révélé L’Équipe, le premier chantier arrêté, le 8 mars, a été celui du futur stade équestre, dans le cadre prestigieux des jardins du château de Versailles (Yvelines). Le montage de la tribune nord a été interrompu durant six semaines, l’inspection du travail n’autorisant la reprise que le 18 avril, une fois jugés crédibles les aménagements assurant la sécurité des ouvriers. Ce chantier est désormais achevé. (...)
Celui de la place de la Concorde, futur « stade urbain » où se tiendront les épreuves de BMX et de skateboard, a quant à lui été perturbé un peu plus de trois semaines par une interdiction de montage des tribunes, du 14 mars au 9 avril. Enfin, sur le symbolique stade éphémère de la tour Eiffel, théâtre des épreuves de beach-volley et de cécifoot, le montage d’une tribune a été stoppé pendant deux semaines, du 16 au 30 avril. (...)
Démentant toute tension, Paris 2024 évoque des « échanges permettant d’apporter des explications et des compléments d’information sur les méthodes et le matériel utilisés ».
GL Events fait de même. Numéro un français de l’événementiel, chargée entre autres pour les Jeux de Paris de construire les deux tiers des 200 000 places de tribunes provisoires, l’entreprise se félicite auprès de Mediapart de « nombreux échanges constructifs avec l’administration », avec qui elle partage « les mêmes objectifs : garantir la sécurité du personnel ». (...)
Dans un communiqué publié le 24 avril, GL Events assurait déjà que « ces procédures d’interruptions temporaires sont extrêmement courantes » et promettait qu’il ne fallait y voir aucune « référence à d’éventuels dangers immédiats ». À L’Équipe, l’entreprise avait évoqué « un ajustement sur la méthodologie » de ses chantiers, démentant toute mise en danger des salariés sur le site.
Trois refus de reprise des travaux
Cette tonalité rassurante fait franchement tousser dans les rangs des services de contrôle. Pour un inspecteur du travail et sa hiérarchie, il n’est pas du tout anodin d’interrompre une activité économique, et cela nécessite de démontrer qu’un danger grave existe bel et bien, et que le risque est immédiat.
C’est même la seule occasion où un·e agent·e de contrôle peut faire stopper immédiatement l’activité, sans se lancer dans les habituels longs échanges de courriers, qui débouchent éventuellement sur un signalement au parquet, la charge revenant ensuite à ce dernier de lancer ou non des poursuites judiciaires. (...)
Partout, on trouve une myriade de sous-traitants, qui sont parfois de toutes petites entreprises comptant une poignée de salariés, ne disposant pas forcément de toutes les notices des équipements de protection, comme l’exige la loi, ou employant elles-mêmes des salariés détachés venus d’Europe de l’Est. (...)
Et si dialogue il y a eu entre l’inspection du travail et GL Events, il a plutôt été du genre musclé. Sur les trois chantiers, l’administration a refusé officiellement de donner l’autorisation de reprendre le montage des tribunes – le 13 mars pour Versailles, le 2 avril pour la Concorde et le 22 avril pour la tour Eiffel –, les propositions d’évolution du mode opératoire soumise par l’entreprise ayant été jugées insuffisantes. (...)
Décision sévère du tribunal administratif de Versailles (...)
Manifestement sûre de son bon droit, l’entreprise avait entre-temps saisi le tribunal administratif de Versailles en référé (la procédure d’urgence), le 25 mars, pour contester l’arrêt des travaux dans les jardins du château. Mal lui en a pris : le 11 avril, le tribunal a sèchement rejeté sa demande. (...)
Désormais, plusieurs des agent·es de contrôle attendent de voir – et de vérifier – la manière dont GL Events se comportera pour la suite de ses chantiers. À commencer par le montage, qui démarrera mi-mai, des tribunes devant accueillir le public de la cérémonie d’ouverture sur la Seine, tout au long des 12 kilomètres des quais bas bordant le fleuve. Autre point d’attention : le démontage de toutes ces structures éphémères, une fois les Jeux achevés, lorsque l’attention publique ne sera plus focalisée sur l’événement.
Figure de proue du secteur de l’événementiel, l’entreprise a souvent clamé ces dernières années son souci de travailler à sa manière, au motif qu’elle employait des professionnels aguerris et qu’elle n’avait à déplorer aucun accident du travail majeur depuis des années.
« La crainte, souffle un spécialiste, c’est que GL Events réussisse à faire accepter des pratiques dont un inspecteur du travail jugerait qu’elles ne correspondent pas au plus haut niveau de sécurité possible. Tout le secteur risquerait de suivre, pour un bon nombre d’années à venir. »