
Céline Extenso est handicapée et militante contre le validisme. Elle raconte pourquoi, bien que le Téléthon ait eu une grande importance pour elle dans l’enfance, elle rejette aujourd’hui cet événement.
« C’est comme si on disait « Le problème, ce n’est pas la société, c’est le handicap. » Mais le handicap existe, c’est la société qui est inadaptée. »
Incarner les « enfants du Téléthon »
Année après année, j’ai été invitée au Téléthon de terrain (...)
Moi, j’étais conviée pour « incarner » l’enfant handicapé aidé par le Téléthon. Les gens étaient contents de me voir mais, de nature introvertie, je n’aimais pas être au centre de l’attention. Je voyais bien que je générais une émotion que je ne comprenais pas (...)
Petit à petit, j’ai pris du recul
Au début de l’adolescence, j’ai commencé à refuser de participer aux événements de terrain. Par contre, j’aimais beaucoup l’émission de télé. (...)
À l’âge adulte, j’ai pris de plus en plus de recul. Après m’être intéressée au féminisme, j’ai lancé un appel sur les réseaux sociaux pour rassembler des femmes handicapées et nous avons créé les Dévalideuses, un collectif qui lutte contre le validisme, cet ensemble de discriminations qui touchent les personnes handicapées dans un monde pensé par et pour les personnes valides. C’est ainsi que j’ai fait mon entrée joyeuse et fracassante dans le militantisme.
Lutter contre le validisme sans le Téléthon (...)
C’est cela qui a fait émerger des réflexions autour du Téléthon, cet événement si célèbre en France, et pourtant si critiquable.
Critiquable, d’abord, à cause de sa représentation du handicap. Le but du Téléthon, c’est de financer la recherche médicale pour guérir. (...)
il y a énormément de choses à faire sur l’amélioration de la qualité de vie des personnes handicapées, et il ne suffit pas de se concentrer sur des solutions pour « éliminer » le handicap. (...)
Dans l’espace public, nous ne sommes représentés que de deux manières : soit comme celui ou celle qui est une « leçon de vie », un « héros qui surpasse son handicap » et fait des choses merveilleuses, soit une personne triste à mourir, qui inspire de la pitié. Ce sont des tableaux qui émeuvent, et c’est dans cette émotion que va puiser le Téléthon.
Mais moi, j’aimerais qu’on se défasse de ces images. Nos vies sont banales sous beaucoup d’aspects. (...)
Avec les Dévalideuses et d’autres collectifs, nous luttons toute l’année pour offrir d’autres représentations de nous. Mais en trente heures d’émission, on a l’impression que tous nos efforts sont ruinés. (...)
Beaucoup de personnes se braquent quand on dit du mal du Téléthon – je peux le comprendre. Mais pour moi, il est temps de proposer d’autres modèles et d’autres visions. (...)
C’est pour cela qu’aujourd’hui, avec le collectif les Dévalideuses, on s’organise contre le Téléthon. On rassemble et on diffuse des écrits et des pensées anti-validistes qui critiquent cette émission, on essaie de montrer que ce ne sont pas juste des paroles de râleurs mais une vraie pensée critique, qui prend de l’ampleur. D’ailleurs, le Téléthon est un concept qui existe dans de nombreux pays et, à l’étranger, des mouvements anti-validistes l’ont fait supprimer : c’est un mouvement collectif, et pas une bizarrerie de notre part. (...)