
À l’occasion de l’ouverture des États généraux du film documentaire, à Lussas, dimanche 17 août, Mediapart diffuse « Je suis dehors », présenté l’an dernier dans la catégorie « expériences du regard ». Portrait poétique de Jamal Sadouki, réfugié algérien confiné dans un immeuble d’Athènes.
« Un fantôme parmi les gens » : c’est ainsi que se définit Jamal Sadouki : « J’essaie de me cacher et de ne pas produire de sons car cela pourrait attirer l’attention. » Réfugié d’origine algérienne, il vit confiné dans un immeuble désaffecté d’Athènes. Il est le dernier habitant enfermé dans les espaces labyrinthiques du bâtiment.
Le film de Nina Alexandraki et Eleftherios Panagiotou prend le temps d’accompagner ses gestes du quotidien : il arrange sa chambre, nettoie les longs couloirs qui surplombent la ville, boxe sans adversaire. On assiste à ses conversations téléphoniques avec ses proches restés en centre de détention, mais aussi à sa solitude. On écoute ses pensées formulées à haute voix, ses chants, ses souvenirs. On le voit écrire ses poèmes dans les marges des journaux ou sur les murs : « Je pense à toi et aux détails de tes mouvements et de tes mots, et je me demande si tu es heureuse et satisfaite. Et je me rappelle que je suis toujours vivant et que j’existe peut-être à côté de toi. »
Jamal cherche les mots qui résoudraient le labyrinthe de la vie et de l’existence, les mots qui permettent de résister. Les voix de ses amis nord-africains, emprisonnés dans les centres de rétention, arrivent des montagnes qui entourent la métropole.
« Avec son téléphone, un micro et les antennes d’Athènes, Jamal communique avec le monde extérieur. Sa chambre devient un émetteur, un récepteur, un point de connexion qui nous permet de montrer la force du son. Un son qui rassemble, même à distance. Les voix de Said, Macarona et des autres amis enfermés, leurs cris, leurs murmures, leurs chants traversent montagnes, murs de prisons, maisons et rues. Elles créent un paysage sonore de résistance, un écho qui se diffuse dans toute la ville », explique Eleftherios Panagiotou dans un entretien avec Elli Mastorou lorsque le film a remporté le prix Scam 2024 du meilleur documentaire audiovisuel en Belgique (...)
Le bâtiment vide devient une métaphore du monde. Loin des discours politiques stigmatisants, Je suis dehors rend palpable l’errance et la solitude créées par les politiques migratoires restrictives.
Les États généraux du film documentaire le programme.