
Une épidémie de fièvre catarrhale ovine tue de nombreux moutons dans le Sud-Ouest. « Écœurée », une éleveuse ariégeoise tente tout, en vain. 40 % de son cheptel a déjà été décimé.
(...) Et l’hécatombe se poursuit. D’après le décompte du Groupement de défense sanitaire local, 154 foyers émaillaient le territoire ariégeois au 1er août. Transmis par les culicoïdes, de petits moucherons volant en essaim, le « blue tongue virus » (la « maladie de la langue bleue ») n’y avait pas été observé depuis 2008. Avec le changement climatique, les larves et les adultes résistent mieux à l’hiver et s’aventurent désormais en altitude. Détecté le 10 juin en Catalogne espagnole, le virus a essaimé à vitesse éclair dans l’Aude et les Pyrénées-Orientales, avant de se projeter vers l’ouest.
« Elles meurent les unes après les autres » (...)
De l’aube au crépuscule, la bergère s’est muée en soignante. Ulcères aux gencives, hyperthermie, anorexie, œdèmes aux paupières… Elle inspecte les bêtes une à une, à l’affût des symptômes, et leur injecte les médicaments. « Je ramasse des cadavres tous les jours, avant que les vautours ne les dévorent. Mais le plus traumatisant, c’est de les observer à l’agonie. » (...)
En amont du village, les dépouilles s’entassent dans une benne. « Les équarrisseurs sont débordés », se désole à l’autre bout du fil Laurence Marandola. À quelques kilomètres de là, la porte-parole de la Confédération paysanne a perdu 17 % de son cheptel de lamas : « Je dois attendre cinq jours avant leur venue. Alors, je dissimule les cadavres sous une bâche. Aussi bien humainement que sanitairement parlant, il faut s’accrocher. Ce n’est pas facile. » (...)
Deux jours plus tôt, Andréa a été placée en arrêt de travail pour « burn out physique et émotionnel ». Un anglicisme auquel la fermière, pourtant trahie par ses cernes, peine à s’identifier. En dépit de la prescription du médecin, elle continue à cravacher : « Je n’ai pas le choix. » Pour l’heure, impossible de savoir si la Sécurité sociale agricole lui accordera ou non une aide.
Bientôt viendra aussi l’heure des comptes : celui du nombre de brebis ayant survécu, et celui de l’argent restant dans les caisses. « Avec l’arrêt de la production, je n’ai plus le moindre revenu. » (...)
« Les crédits tombent en octobre, poursuit-elle. Déjà que je ne me rémunérais pas, comment vais-je les payer ? » Un silence s’installe. Elle hausse les épaules. (...)
certaines fermes ne réchapperont pas à l’épidémie. En quête d’une main tendue par l’État, le syndicat paysan se cogne aux portes closes : « Rien ! Pas un signal encourageant », maudit la porte-parole. Aucune indemnisation ne sera accordée en Ariège, et le ministère de l’Agriculture est aux abonnés absents. (...)
Au-delà de l’absence d’aides financières, la Confédération paysanne déplore la doctrine sanitaire menée par les pouvoirs publics. Que ce soit pour la grippe aviaire, la tuberculose ou aujourd’hui la fièvre catarrhale ovine, celle-ci mise presque exclusivement sur le vaccin et l’abattage massif.
« Les brebis rescapées du virus seront extrêmement précieuses. Il faut travailler sur ces souches-là pour comprendre. Malheureusement, ça ne traverse l’esprit de personne là-haut. »
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