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Mediapart
« J’ai choisi de rentrer vivre chez moi, près de la centrale nucléaire de Fukushima »
#fukushima #nucleaire
Article mis en ligne le 27 décembre 2023
dernière modification le 26 décembre 2023

Sa femme est morte des suites de la catastrophe de 2011. Mais lui est revenu il y a trois mois. « J’étais l’un des responsables pour la partie électricité. Je veux contribuer à réparer pour le reste de ma vie. » Mediapart a recueilli un témoignage rare et bouleversant, celui de Shinichi Kokubun, 73 ans.

Futaba, préfecture de Fukushima (Japon).– « Ceux qui ont peur de la radioactivité ne reviennent pas, affirme Shinichi Kokubun, 73 ans. Beaucoup d’anciens habitants ne veulent plus remettre les pieds dans la simple préfecture de Fukushima. » Il insiste : « Si on a peur, c’est invivable. » En octobre dernier, le septuagénaire a fait le choix de rentrer à Futaba, ville qu’il a évacuée avec sa femme et ses deux fils, lors de l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima en mars 2011. Le 31 août 2022, Futaba a rouvert 10 % de son territoire au droit de résider mais jusqu’à cet été-là, la commune, sur laquelle se trouve en partie la centrale, était la dernière des 11 municipalités évacuées en 2011 à être encore frappée, sur 96 % de son territoire, d’une interdiction totale de résidence. Depuis douze ans, ses ancien·nes résident·es sont réparti·es sur les villes de Saitama, en banlieue de Tokyo, Iwaki et Kawamata.

Ces dernières années, les autorités ont accéléré la levée des restrictions dans la zone qui jouxte la centrale de Fukushima (...)

Pour le gouvernement, l’enjeu est clair : qui dit reconstruction, dit capacité de surmonter l’accident mais aussi de faire accepter plus facilement à la population la relance des centrales nucléaires du pays. (...)

Mais la population est loin de se précipiter pour revenir. Un an et demi depuis la levée de la restriction de Futaba, 101 personnes se sont installées. Sur ce chiffre, 39 sont d’ancien·nes habitant·es, soit moins de 1 % des 5 484 ancien·nes résident·es de Futaba toujours en vie depuis 2011. (...)

Traumatisme de l’évacuation mais aussi peur de la radioactivité leur ont fait couper les ponts avec leur ville. « Ceux qui ont décidé de revenir font confiance aux mesures faites par les autorités », explique Shinichi Kokubun. À Futaba, comme dans les communes alentour ou encore le long de l’autoroute qui mène à Iwaki, des compteurs, installés dans l’espace public, permettent de mesurer le taux de millisieverts – unité de mesure de la radioactivité – en temps réel. S’il se montre sûr de lui, l’homme n’est pas naïf pour autant et sait qu’ici le risque zéro n’existe pas. « Il y a des rivières à Futaba, qui prennent leur source dans les montagnes qui sont toujours dans la zone interdite. Si de grosses pluies arrivent, un typhon… Juste après l’accident, il y avait d’importants taux de radioactivité dans la boue. » Mais il relativise : « Nous aviserons et irons acheter de l’eau en bouteille. »

Shinichi Kokubun se dit prêt à faire confiance à son gouvernement, y compris sur la question controversée de l’eau traitée par un système de traitement des liquides et rejetée par la centrale dans le Pacifique depuis l’été dernier. (...)

la vie à Futaba, « ce n’est pas comme avant ». Aucun de ses amis n’est revenu. L’homme, de nature sociable, s’inquiète : « Cela va être compliqué de reconstruire une communauté ici. Pour l’instant, nous sommes au point mort. » Il y a bien quelques événements culturels mais il ne les connaît pas. La seule personne qu’il côtoie est une voisine, une dame de 86 ans « qui vivait aussi à Nakoso ». « Mais avec les nouveaux arrivants, ajoute-t-il, on ne se parle pas du tout. »

Les « nouveaux » riverains de Futaba sont fonctionnaires, travaillent dans les communes voisines ou sur le chantier de reconstruction. Ils sont de Tokyo ou d’ailleurs. « Ils sont méfiants, ils ne veulent pas en dire plus sur qui ils sont », précise Shinichi. Dans cette partie de la préfecture de Fukushima, le chômage est aussi présent. (...)