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Mediapart
Israël utilise ses avions de chasse contre le camp de Tulkarem
#israel #palestine #Hamas #Cisjordanie #Gaza #hezbollah #Liban #Yemen #Syrie #USA
Article mis en ligne le 5 octobre 2024

Pour la première fois depuis vingt ans, l’armée israélienne a effectué, jeudi 3 octobre, une frappe aérienne contre une ville de Cisjordanie. Elle a visé un café où se réunissaient des combattants palestiniens. Dix-huit personnes ont été tuées, dont une majorité de civils.

Ces funérailles ne sont pas comme celles, nombreuses, qui se déroulent depuis un an. Elles sont un événement.

Par le nombre de personnes tuées dans une seule frappe : dix-huit selon le ministère de la santé palestinien. Deux personnes étaient encore portées disparues à 15 heures, heure locale, vendredi, et le bilan pourrait monter à vingt décès.

Par la nature de l’assaut : pour la première fois depuis la deuxième Intifada (2000-2005), Israël a utilisé une frappe aérienne contre une ville de Cisjordanie. Les habitant·es de Cisjordanie sont, depuis juillet 2023 et surtout depuis le 7-Octobre, habitué·es aux tirs de drone. Mais pas aux missiles lancés depuis des avions.

Une zone densément peuplée

« Nous ne nous attendions pas à cela, car la zone était pleine de civils, de gens ordinaires qui passaient un moment ensemble, d’enfants qui jouaient », assure Nasser*, traits du visage immobiles, visiblement sous le choc. (...)

Nasser reconnaît la mort, dans la frappe, de six combattants de la Brigade de Tulkarem. Le groupe venait de célébrer la libération d’un prisonnier, avec le traditionnel défilé guerrier dans les rues du centre du camp, et certains avaient décidé d’aller boire un café ensemble. Visiblement, les moyens de surveillance de l’armée israélienne sont efficaces. (...)

Nasser, le regard perdu, assure que la frappe ne fera que « renforcer [leur] détermination, et faire venir [à eux] d’autres combattants ». L’armée israélienne, de son côté, a assuré avoir tué Zahi Yasser Oufi, chef du Hamas à Tulkarem et d’autres « agents du Hamas ».

Elle omet de dire qu’elle a également causé la mort d’au moins douze personnes qui n’avaient rien à voir avec les groupes armés, et qui avaient pour seul tort d’habiter le camp de Tulkarem et de se trouver là, à l’endroit de la frappe. (...)

À cinquante mètres du café visé, un vaste tapis tendu d’un mur à l’autre offre une vague intimité à la famille dont le logement a été éventré par un bulldozer israélien. (...)

Nombre des 30 000 habitant·es du camp n’ont nulle autre part où aller, d’autant que les hommes, pour beaucoup employés en Israël avant le 7-Octobre, ont perdu leur travail et, crise économique oblige, n’en trouvent pas en Cisjordanie.

« Al-Hamam est un endroit où la “Résistance” [ainsi sont nommés les groupes armés palestiniens – ndlr] est puissante, et du coup c’est le plus attaqué par l’armée israélienne, raconte Adnan Kanaan, un voisin du café. Moi-même, j’ai interdit à mes enfants de se rassembler avec leurs amis par ici, et nous quittons le quartier aussitôt que nous sommes prévenus d’une incursion israélienne. » (...)

Une famille habitait à l’arrière du café, dans un logement que la mère décorait petit à petit. Ils sont tous morts, Mahmoud Abou Zahra, le père, la trentaine, son épouse, Saja, 28 ans, Karam et Cham, leur garçon et leur fille, 5 et 7 ans, et le frère de Saja, venu leur rendre visite. (...)

Ainsi va la mort dans le camp de Tulkarem.