
Le retour de Donald Trump à la présidence des États-Unis pourrait bouleverser les équilibres déjà fragiles au Moyen-Orient. L’ombre d’une confrontation directe avec l’Iran plane plus que jamais. Sur Gaza, le président élu affiche une position ambivalente, mêlant soutien indéfectible à Israël et velléités d’apaisement.
La victoire de Donald Trump survient à un moment délicat pour le Moyen-Orient, marqué par la guerre menée par Israël à Gaza et au Liban, sur fond de dérapage possible vers une guerre ouverte avec l’Iran, soutien du Hamas et du Hezbollah.
Alliés indéfectible d’Israël, les États-Unis sous le mandat de Joe Biden ont néanmoins exercé une certaine pression sur le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, le limitant dans ses velléités à frapper les installations nucléaires iraniennes. Un geste qui a évité jusqu’ici l’ouverture d’un front direct avec Téhéran et un embrasement régional. (...)
"Donald Trump partage avec Benjamin Netanyahu une focalisation sur le nucléaire iranien. Il a répété durant sa campagne que l’Iran n’aura pas la bombe atomique. Et le Premier ministre israélien, lui, entend ça comme la possibilité d’une opération contre le nucléaire iranien. D’ailleurs, il a laissé entendre que s’il y avait une réplique israélienne à une nouvelle attaque, elle pourrait désormais viser les sites nucléaires", relève le spécialiste du Moyen-Orient.
Dans le cas où l’armée israélienne déciderait d’attaquer les principaux sites nucléaires iraniens de Natanz et de Fordo – probablement enfouis à plus de 80 mètres de profondeur – ils auraient besoin de l’appui militaire américain. (...)
Reste à savoir si Donald Trump osera franchir le pas et donner son feu vert à Benjamin Netanyahu, ce que Joe Biden s’est refusé à faire jusqu’ici.
Dès mercredi, l’élu républicain et le Premier ministre israélien ont échangé par téléphone de la "menace iranienne", dans la foulée de la victoire du milliardaire, saluée par Benjamin Netanyahu comme un "réengagement puissant dans la grande alliance" entre leurs deux pays. (...)
L’échéance de juillet 2025 : fin de l’accord sur le nucléaire
Pour Yonatan Freeman, expert en relations internationales de l’université hébraïque interrogé par l’AFP, "compte tenu de ce que Donald Trump a dit et de ce qu’il a fait auparavant, on s’attend à ce qu’il soit plus dur avec l’Iran".
Lors de son précédent mandat, en mai 2018, le républicain avait retiré unilatéralement son pays de l’accord international sur le nucléaire iranien et rétabli de lourdes sanctions contre Téhéran, notamment contre les secteurs pétrolier et financier. Cet accord prévoyait la levée d’une partie des restrictions internationales contre l’Iran, en échange de son engagement à ne pas se doter de l’arme nucléaire, ce dont Téhéran se défend. (...)
La décision de Donald Trump a eu de lourdes conséquences sur l’économie iranienne et a été un facteur de flambée de l’inflation en Iran, tandis que la monnaie nationale, le rial, s’est fortement dépréciée face au dollar, faisant perdre du pouvoir d’achat.
Quant au programme nucléaire iranien, depuis 2018 les stock d’uranium enrichi n’ont fait qu’augmenter, malgré d’informelles discussions sous Joe Biden entre émissaires américains et négociateurs iraniens. Et si l’Iran n’est pas encore doté de l’arme nucléaire, il est "plus proche que jamais de cette perspective", selon de nombreux experts. Et ce d’autant que l’accord sur le nucléaire arrive à échéance en juillet 2025, ce qui signifie que certaines interdictions à l’égard de Téhéran vont prendre fin. (...)
des responsables américains ont aussi accusé l’Iran d’ingérences supposées dans les élections. Donald Trump a pour sa part accusé Téhéran de faire peser de "graves menaces" sur sa vie, après une tentative d’assassinat en juillet. L’Iran avait qualifié de "malveillantes" ces accusations.
Le premier mandat de Donald Trump a également été marqué par sa décision, en janvier 2020, de faire abattre en Irak le puissant général iranien Qassem Soleimani, architecte de la stratégie d’influence régionale de l’Iran. Washington et Téhéran avaient paru au bord de l’affrontement militaire direct. Et la République islamique a lancé une procédure judiciaire en Iran à l’encontre de Donald Trump pour cet assassinat.
"Une personnalité imprévisible"
Côté iranien pourtant, les réactions à la victoire de Donald Trump ont été très modérées. Le résultat de cette élection "ne change rien" pour l’Iran, a commenté le président iranien, Massoud Pezeshkian. Une position répétée à l’envi par les responsables iraniens. (...)
Le guide suprême ne se soucie guère des déclarations de campagne et préfère "attendre de voir quelles actions concrètes la nouvelle administration prendra" à l’encontre de l’Iran, explique l’historien John Ghazvinian interrogé par l’AFP. "L’Iran adopte traditionnellement une approche attentiste après l’élection d’un nouveau président américain", précise cet auteur d’un livre sur les relations entre les États-Unis et l’Iran depuis 1720.
Mais si les officiels iraniens ont montré un visage plutôt rassurant, le marché lui n’a pas menti. Signe de l’inquiétude des Iraniens, à Téhéran la monnaie a dégringolé mercredi, tombant à son plus bas niveau historique. (...)
Une inquiétude justifiée au vu du risque de conflit ouvert avec Israël avec un Donald Trump aux commandes. "Il reste une personnalité imprévisible", tempère toutefois David Rigoulet-Roze, qui estime sa ligne politique étrangère encore difficile à saisir. "Donald Trump a affirmé plusieurs fois qu’il souhaitait arrêter toutes les guerres, dont celle en Ukraine. Or là, il se met en situation où il pourrait être amené à engager les États-Unis dans une guerre d’envergure par solidarité avec Israël. C’est le paradoxe du personnage et de la situation."
Des déclarations contradictoires sur Gaza (...)