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Immigration et terrorisme : pour des politiques publiques fondées sur les preuves
#immigration #terrorisme
Article mis en ligne le 6 décembre 2023
dernière modification le 4 décembre 2023

Les attentats du mois dernier dans plusieurs pays d’Europe ont relancé les débats autour de l’immigration et du terrorisme. Ces débats s’appuient trop souvent sur des considérations politiques ou morales. Nous proposons un tour d’horizon des travaux de recherche sur le lien entre terrorisme et immigration, ainsi que sur l’efficacité des politiques publiques en la matière. Par Jais Adam-Troian.

Les actes terroristes récents, faisant suite aux massacres commis par le Hamas le 7 octobre dernier, ont douloureusement rappelé aux Européens la nature transnationale du terrorisme islamiste, qui ne connait pas de frontières. Les attentats d’Arras, perpétrés par un jeune Russe le 13 octobre dernier, et celui de Bruxelles le 16 octobre 2023 commis par un homme d’origine tunisienne ont d’ailleurs ravivé les débats autour des notions de frontières, d’immigration, d’intégration et de leurs relations avec le terrorisme islamiste. Existe-t-il un lien entre immigration et terrorisme ? Si, oui quelles politiques publiques permettraient de prévenir et de lutter efficacement contre le terrorisme importé par l’immigration ?

Une approche scientifique du problème.

Afin d’y voir plus clair et de proposer des solutions efficaces, il nous faut aller au-delà des détails sordides de ces affaires, des émotions légitimes qu’elles suscitent auprès des opinions publiques, ainsi que des considérations partisanes qui s’en font l’écho. Durant les deux dernières décennies, les chercheurs en psychologie, économie, sciences politiques ont compilé des bases de données mondiales [1] recensant les caractéristiques (auteurs, méthodes, nombre de victimes…) de plus de 200 000 attentats ayant eu lieu depuis 1970, mené des milliers d’entretiens, d’enquêtes par questionnaire et d’études quantitatives sur des terroristes de mouvements de tous bords, politiques et religieux. Ceci afin de pouvoir extraire des régularités statistiques sur les liens entre immigration et terrorisme, ainsi que sur les effets positifs ou délétères des réponses étatiques à cette menace.

Le premier constat est qu’une augmentation de l’immigration ne se traduit pas automatiquement en une augmentation des actes terroristes [2]. Mais ce résultat n’est guère informatif en soi. En premier lieu, de quelle immigration parle-t-on ? L’immigration illégale étant complexe et difficile à quantifier, nous resterons sur l’immigration légale, de nature principalement économique. Ensuite, j’aborderai la question de l’impact des flux de réfugiés. Aussi, je me focaliserai autant que possible sur le terrorisme islamiste pour trois raisons. C’est, à l’heure actuelle, la forme de terrorisme la plus fréquente et la plus meurtrière sur le globe [3], mais surtout dans les pays occidentaux (suivie par le terrorisme d’extrême-droite) et celle qui constitue – d’après nos services de renseignements - la menace terroriste la plus immédiate pour nos sociétés [4]. Ces caractéristiques en tête, voici ce que l’on peut inférer des analyses réalisées à l’échelle des pays. (...)

Soulignons que la proportion d’hommes (vs. de femmes et enfants) au sein des flux n’a, quant à elle, pas d’effet significatif sur la probabilité d’attentats ultérieurs dans les pays d’accueil. Toujours selon cette même étude, le volume des flux en provenance de pays musulmans n’est pas systématiquement associé à davantage de terrorisme dans les pays d’accueil.

Certaines études démontrent un effet important du contexte des pays d’origine des migrants. Une analyse des flux migratoires de 145 pays entre 1970 et 2000 [6] montre que les volumes des flux en provenance de pays en conflit sont effectivement un vecteur important de diffusion du terrorisme, par un effet de contagion via les réseaux des diasporas pouvant être exploités par les organisations terroristes (...)

La présence de guerres civiles, conflits étatiques ou de terrorisme intérieur au sein des pays d’origine – et non pas la religion – constitue ici le facteur déterminant.

Finalement, les contextes des pays d’accueil ont aussi leur importance. (...)

malgré le cumul de ces caractéristiques problématiques, les études montrent que les flux de réfugiés n’alimentent le terrorisme de manière significative que dans les pays hors OCDE (...)

Quelles implications pour nos politiques de gestion de l’immigration ?

En nous offrant une compréhension précise des facteurs de risque et de protection contre le terrorisme, ces recherches nous permettent d’envisager des solutions plus efficaces. (...)