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Mediapart
Gaza : que faisons-nous pour empêcher la catastrophe ?
#israel #palestine #Hamas #Cisjordanie #Gaza
Article mis en ligne le 10 avril 2024
dernière modification le 8 avril 2024

Après six mois de bombardements israéliens, la bande de Gaza n’est plus que décombres. La guerre contre le Hamas s’est transformée en massacre des Palestiniens et des Palestiniennes. En ne nous opposant pas à la destruction d’un peuple, nous en devenons complices.

La guerre à Gaza nous engage. Comme monde, comme pays, comme communauté, comme individu. De la même manière que le 11-Septembre a touché « l’inconscient géopolitique de tous les vivants », selon l’expression du philosophe Jacques Derrida, le massacre du 7 octobre 2023, perpétré de sang-froid par le Hamas, a déchiré l’espace-temps dans lequel nous vivons, engendrant un cycle monstrueux de représailles israéliennes. Le risque de génocide, formulé par la Cour internationale de justice (CIJ), fixe l’effroi provoqué par la guerre sur l’échelon le plus élevé de notre inhumanité.

En six mois, plus de 33 000 Palestiniennes et Palestiniens ont péri à Gaza. Les bombardements israéliens et les tirs de snipers fauchent les vies de manière indiscriminée. Rafah, où des centaines de milliers de familles ont trouvé refuge, vit sous la menace d’une offensive, la famine se répand ainsi que le chaos. L’enclave est transformée en champ de ruines. Une histoire, une culture, une mémoire sont en train de disparaître sous nos yeux. Ce qui était annoncé comme une guerre contre le Hamas devient une guerre contre un peuple. (...)

Les enfants, les réfugié·es, les humanitaires, les malades : en l’absence de but de guerre réaliste, aucune limite ne semble plus arrêter Israël dans la spirale du pire. (...)

Six mois après le début du conflit, il est temps de nous interroger brutalement : que faisons-nous pour empêcher la catastrophe ? Si cette guerre, un jour, prend fin, pourrons-nous faire face à notre conscience ?

Des faits et du sens

À ces questions abyssales, Mediapart, comme journal, répond avec les seules armes à sa disposition : des mots, des faits et du sens. (...)

Alors que nous avons tenté d’embrasser la complexité des enjeux, le débat public français s’est immédiatement fourvoyé dans une alternative toxique : d’un côté, refuser de qualifier de « terroristes » les massacres du Hamas et rappeler le contexte colonial dans lequel ils ont été perpétrés vous identifiait comme suppôt du Mal ; de l’autre, refuser de saluer la « résistance » palestinienne et l’« héroïsme » du Hamas vous transformait en « allié objectif » de l’occupant.

Entre bataille rangée et tétanie, les positions se sont rigidifiées et exaltées. La polarisation essentialiste qui s’est ensuivie a fini par abolir la pensée au point que le monde « savant » des chercheurs et universitaires s’est retrouvé freiné dans son expression, voire réduit au silence.

Ce clivage factice et dangereux, Emmanuel Macron a contribué à le créer. Plutôt que de rassembler et d’apaiser, comme il aurait dû le faire, le président de la République a semé les graines de la division en soutenant beaucoup trop longtemps Israël, au nom du ralliement occidental à la guerre contre le terrorisme. Les vieilles plaies françaises, jamais vraiment refermées, se sont aussitôt rouvertes, donnant libre cours aux discours et actes antisémites et islamophobes.

Comble d’une sinistre ironie, le Rassemblement national a profité de ce terrain vicié en s’érigeant en rempart à la haine des juifs. (...)

Cinq mois après le début des hostilités – qui durent en réalité depuis des décennies –, le ministre français des affaires étrangères, Stéphane Séjourné, a continué de flétrir l’image de notre pays, en s’affichant, tout sourire et toute honte bue, aux côtés du premier ministre israélien, alors qu’à cette date la CIJ avait déjà ordonné à Tel-Aviv de prendre « toutes les mesures en son pouvoir » pour empêcher un génocide. Tandis que certains pays, dont le Canada, ont décidé un embargo sur les ventes d’armes à Israël, la France continue de louvoyer.

La boussole du droit international (...)

malgré la dissymétrie structurelle entre un occupant et un dominé, la fin ne justifie pas les moyens et une cause ne peut être considérée comme émancipatrice lorsqu’elle soutient une organisation recourant au crime, a fortiori au crime de masse. Dans le même temps, rien ne prévaut sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes dans les frontières reconnues par le droit international.

Or celui-ci est est sans ambiguïté du côté de la Palestine. Et systématiquement bafoué par Israël. (...)

la responsabilité des puissances occidentales, États-Unis en tête, mais aussi des supposés alliés arabes, est gigantesque. L’« exigence » aussi tardive que poussive d’un cessez-le-feu, obtenue de haute lutte le 25 mars par le Conseil de sécurité de l’ONU, n’y changera rien : la résolution de l’instance la plus importante de la gouvernance mondiale restera lettre morte tant que Washington continuera de soutenir militairement Israël. Or l’administration Biden n’est pas prête à un revirement, comme en témoigne l’approbation, le jour même du vote à New York, de la livraison de plusieurs milliards de dollars de bombes et d’avions de combat.

Le président américain vient, certes, de taper du poing sur la table, obtenant l’ouverture d’accès humanitaires, mais y voir un tournant paraît plus que prématuré. Quant aux négociations diplomatiques à Doha et au Caire, elles s’enlisent et semblent, jusqu’à preuve du contraire, incapables de faire taire les armes, donnant plutôt le sentiment d’une indicible passivité. (...)

À la suite de l’Espagne, la reconnaissance par les pays occidentaux de l’État palestinien constituerait une avancée majeure, comme le souligne l’écrivain Elias Sanbar, dans un ouvrage, La Dernière Guerre ?, à paraître dans la collection « Tracts » de Gallimard.

De puissantes mobilisations partout dans le monde sont plus que jamais nécessaires pour faire bouger des dirigeants qui, s’ils ont perdu la boussole du droit international, restent sensibles aux reconfigurations électorales découlant de leurs positionnements. En ne nous opposant pas au désastre en cours, nous en devenons complices à notre corps défendant.

Des destins mêlés

Rien ne permettra toutefois d’échapper au chaos sans les premiers concernés : le destin politique de ces deux peuples leur appartient en priorité. (...)

Un sursaut israélien est une nécessité pour qu’un jour, les Palestiniens, une fois qu’ils n’auront plus à se préoccuper de leur survie, admettent, à leur tour, que le Hamas les a conduits au pire. Des voix critiques, y compris dans l’enclave, se font d’ores et déjà entendre. L’égalité, a fortiori sur un territoire où la mécanique de l’apartheid est profondément ancrée, ne se décrète pas, mais l’exemple sud-africain rappelle qu’à force de volonté politique, ce qui apparaissait insoluble peut se dénouer. (...)

À nous, en tant que citoyen·nes européen·nes, de nous tenir aux côtés des Palestinien·nes et des Israélien·nes qui, en lutte contre l’extrémisme de leurs dirigeants, cherchent à sortir de cette « nuit venue », selon le titre d’un film de Jean Genet qui ne verra jamais le jour, évoqué dans une récente exposition à l’Institut du monde arabe, « Ce que la Palestine apporte au monde ». (...)
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