
En rentrant de congé, Zahra a été arrêtée à Roissy et privée de liberté durant six jours. Elle bénéficiait pourtant d’un récépissé lui octroyant un droit au séjour, mais était aussi ciblée sans le savoir par une obligation de quitter le territoire. Son avocat dénonce une « faute administrative ».
Zahra* en est ressortie traumatisée. Il lui aura fallu plusieurs jours pour s’exprimer sur l’épisode qu’elle a vécu le 9 juillet, alors qu’elle rentrait de vacances passées au Maroc, son pays d’origine. La jeune femme, qui vit en France de manière régulière depuis sept ans, a été notifiée d’un refus d’entrée sur le territoire français à son arrivée à l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, avant d’être placée en zone d’attente. C’est là que sont enfermées les personnes étrangères à leur arrivée par avion lorsqu’un doute subsiste sur leur situation administrative.
Zahra y aura passé six jours. La cour d’appel de Paris lui a finalement donné raison. Dans une décision rendue mardi 15 juillet, la justice considère que « son maintien en zone d’attente constitue une atteinte disproportionnée aux droits de l’intéressée ». Pour démontrer l’absurdité de la situation, celle-ci avait constitué un dossier comportant notamment la demande de renouvellement de son titre de séjour, une attestation de formation d’enseignement supérieur et un contrat de bail datant de novembre 2022. (...)
Le 25 juin, Zahra embarquait sereinement vers le Maroc, avec dans les mains son titre de séjour expiré en février, et le récépissé délivré par la préfecture des Hauts-de-Seine en attendant que son nouveau titre soit prêt. Le document, qui l’autorise à rechercher un emploi ou à créer une entreprise, était valable jusqu’au 17 septembre. Rien ne laissait présager à Zahra qu’elle pourrait être arrêtée par la police aux frontières à son retour à Paris. « Je n’avais jamais eu de problème. Je pensais que c’était une simple erreur qui serait réglée en trente minutes. »
Elle a fini au « cachot », résume-t-elle, décrivant une pièce étroite et sombre dans laquelle la police l’a conduite. « La zone d’attente, c’est une prison déguisée. On est privé de liberté, les portes sont électrifiées, les fenêtres ne s’ouvrent pas. » Elle déplore la saleté, les chambres infestées de punaises de lit, les WC et douches mixtes, la nourriture « insuffisante »…
Avant d’arriver là, la police aux frontières l’informe qu’elle fait l’objet d’un refus de renouvellement de titre, d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) et d’une interdiction de retour sur le territoire français (IRTF) courant jusqu’en juin... 2065. Encore aujourd’hui, Zahra dit être « dans l’incompréhension totale ». Son avocat, Me Samy Djemaoun, dénonce un « déni de droit ».
Une remise de titre initialement prévue le 17 juin
Et pour cause, Zahra était convoquée par la préfecture lui donnant rendez-vous le 17 juin pour une « remise de titre », comme en témoigne le document que nous avons consulté. « J’y suis allée mais sur place, on m’a dit que le titre était toujours en cours de fabrication », relate-t-elle.
Or, l’OQTF dont elle fait l’objet, datée du 4 juin, lui a été notifiée précisément le 17 juin, jour de sa convocation. Un courrier en recommandé a été envoyé par la préfecture le 16 juin, mais Zahra assure n’avoir « rien reçu de la poste ». Bizarrement, lors de son passage à la préfecture, personne n’a évoqué l’existence d’une OQTF, ni ne lui a retiré son récépissé. (...)
Me Djemaoun affirme n’avoir « jamais rencontré une telle configuration », bien qu’il ait déjà défendu des client·es en zone d’attente, dont une enfant française enfermée à Orly en octobre 2024 ou une Tunisienne établie en France depuis neuf ans et placée elle aussi en zone d’attente à Orly en 2022 – toutes deux ont été libérées. (...)
« On observe des situations que l’on ne voyait pas avant. Il y a un renforcement de l’arbitraire du côté du ministère de l’intérieur, le cas récent de ma cliente française à qui on a retiré son passeport français à l’aéroport en est l’illustration », estime l’avocat, qui réfute l’idée d’un imbroglio administratif et parle d’un « déni de droit ».
« Il résulte des pièces du dossier une volonté assumée de ne pas la laisser entrer sur le territoire français. » Il relève que Zahra a été inscrite au fichier national à compter du 8 juillet, soit la veille de son retour en France. Alors que sa cliente résume l’affaire en une « erreur » de l’administration, l’avocat préfère la notion de « faute administrative ». (...)
Le refus de renouvellement de titre, l’OQTF et l’IRTF ont depuis été contestés en justice par l’avocat, qui attend désormais l’audience. Zahra, de son côté, s’est vu confisquer son récépissé et voit sa vie mise « en suspens ». « Je suis libre mais ma vie s’est arrêtée », souffle-t-elle.
Harcèlement sexuel
La jeune femme de 29 ans doit également vivre avec ses traumatismes liés à son passage en zone d’attente, et plus particulièrement le harcèlement sexuel « quotidien » qu’elle dit avoir subi sur place. « On m’imposait des remarques humiliantes, comme “Je veux te faire des enfants” ou “T’es belle même quand tu pleures”. En allant aux WC le matin, cinq hommes me fixaient, je me sentais comme un objet sexuel. »
Elle dit l’avoir signalé aux policiers et aux équipes de la Croix-Rouge sur place, « mais on [l]’a laissée seule avec ça ». Elle voit un psychologue et un psychiatre depuis sa sortie. Son avocat a également fait un signalement en « extrême urgence » au procureur de la République de Bobigny, ainsi qu’à la préfecture des Hauts-de-Seine, le 13 juillet, réclamant « l’enregistrement de sa plainte et une demande d’audition dans les plus brefs délais ». (...)
L’épisode, « humiliant », lui fait dire que la France, pays qu’elle a choisi et toujours respecté, l’a « trahie ».