Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Mediapart
En massacrant les journalistes de Gaza, Israël avoue l’ampleur de ses crimes
#israel #palestine #Hamas #Cisjordanie #Gaza #genocide #famine #journalistes
Article mis en ligne le 14 août 2025
dernière modification le 13 août 2025

LeLe 16 avril, place de la Bastille à Paris, s’est tenu un trop maigre et trop tardif rassemblement en solidarité avec les journalistes palestinien·nes de Gaza. Toute notre profession avait pourtant sous les yeux, depuis des mois, l’hécatombe de confrères et de consœurs délibérément tué·es par l’armée israélienne.

Depuis février 2024, Mediapart s’efforce de montrer les visages de ce carnage qui dépasse le décompte de deux cents journalistes tué·es. Un chiffre sans précédent historique connu : jamais, en cumulant les deux guerres mondiales du XXe siècle et tous les conflits modernes passés, autant de professionnels de l’information n’avaient disparu dans une seule et même séquence, chronologique et géographique. Jamais autant de témoins, ayant la charge d’un droit humain fondamental – celui de savoir ce qui arrive à notre humanité commune –, n’avaient été supprimés, sciemment, volontairement, cyniquement, par l’un des belligérants d’un conflit armé.

Lors du rassemblement parisien d’avril 2025, le directeur général de Reporters sans frontières (RSF), Thibaut Bruttin, s’est inquiété de la trop grande indifférence des médias français et, plus largement, occidentaux face à ce défi meurtrier lancé à la raison d’être du journalisme : l’information, sa liberté, sa nécessité. Et il n’a pas mâché ses mots (à 33 min 40 s dans cette vidéo) : « Le poison insidieux des forces armées israéliennes s’est introduit parfois jusque dans notre propre métier. Depuis dix ans que je travaille à RSF, c’est la première fois qu’on me demande si le journaliste est vraiment un journaliste, quand il est mort. Cela n’était jamais arrivé. »

Et cela arrive, toujours et encore. Israël a revendiqué l’assassinat, dimanche 10 août, d’Anas al-Sharif, célèbre reporter palestinien d’Al Jazeera, dans un bombardement ciblé qui a tué cinq autres journalistes et leur chauffeur. Un crime collectif assumé par l’affirmation de l’armée israélienne, assortie d’aucun début de preuve, qu’Anas al-Sharif aurait été un chef de cellule du Hamas. (...)

Sur le théâtre d’expérimentation barbare de Gaza, Israël traduit en actes définitifs le rêve de tous les ennemis de l’information comme contre-pouvoir et contre-récit.

Selon le bilan 2024 publié par RSF, « Gaza est devenue la région la plus dangereuse au monde pour les journalistes, un endroit où le journalisme lui-même est menacé d’extinction ». L’ONG française a déjà déposé quatre plaintes auprès de la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre commis à Gaza par l’armée israélienne.

La même CPI affiche toujours sur son site le mandat d’arrêt du 21 novembre 2024 visant, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, lequel y est déclaré « actuellement en fuite ». Amère et dérisoire illustration de l’impuissance du droit face à la force, tant que la communauté internationale s’en tiendra à des mots sans actes, c’est-à-dire sans sanctions concrètes contre l’État d’Israël. (...)

Le massacre de journalistes à Gaza est l’aveu par Israël des crimes commis dans l’enclave. « Dans cette guerre, nous avons appris que ce que l’on ne voit pas, on ne le sait pas », résumait dès septembre 2024 Yossi Klein, un éditorialiste du quotidien israélien Haaretz. Ce qui ne se voit pas, ne se montre ni ne se documente, n’existe pas… (...)

De fait, aucun média international n’a accès à la bande de Gaza depuis le déclenchement de la guerre israélienne de riposte au 7-Octobre. Quant aux journalistes palestiniens, dont la diversité des médias pour lesquels ils travaillent reflète forcément les débats et les courants de leur société (lire cette mise au point éclairante d’« Arrêt sur images »), ils sont explicitement des cibles, autrement dit, des regards, des récits, des preuves à éliminer.

L’impunité du crime exige l’absence de témoins. La guerre absolue à l’information et au journalisme menée par les dirigeants israéliens est à la mesure de leur lucidité sur la gravité de leurs actes. Elle va de pair avec leur volonté acharnée de discréditer, bannir et punir les organisations non gouvernementales, les agences onusiennes – l’Unrwa au premier chef –, et même jusqu’à la Croix-Rouge et au Croissant-Rouge – dont des personnels médicaux ont été tués dans l’exercice de leurs fonctions. (...)

Heureusement, dans notre univers interconnecté où la société civile peut elle-même alerter et documenter en temps réel, ce black-out total sur l’information n’a pas empêché que l’incommensurable crime commis à Gaza soit d’ores et déjà établi. Fin 2024, par Amnesty International (le 5 décembre), Médecins sans frontières (le 18 décembre) et Human Rights Watch (le 19 décembre). Le 21 janvier 2025, par Forensic Architecture sous le titre « A Cartography of Genocide ». Et, tout récemment, en juillet, en Israël même, par l’ONG B’Tselem, sous l’intitulé « Our Genocide ».

Le rapport de B’Tselem tout comme l’exceptionnel travail de recension réalisé par l’historien israélien Lee Mordechai soulignent l’enjeu informationnel de la guerre israélienne à Gaza. (...)

Dès lors, toute indifférence, notamment de la profession elle-même, au sort des journalistes à Gaza devient une indifférence à l’essence du métier de journalisme : servir la vérité des faits. Dans ce registre, le journalisme ne saurait être neutre, sauf à servir le mensonge et la propagande. Or la vérité, c’est qu’un génocide a eu lieu, a toujours lieu, à Gaza, dont les Palestinien·nes sont les victimes, dans un processus criminel dont le colonialisme est le ressort, de déshumanisation de l’opprimé et de barbarisation de l’oppresseur. (...)

L’histoire montre que tenter d’éradiquer un groupe d’êtres humains est un crime aux conséquences catastrophiques, un crime que chaque personne a le devoir de combattre et d’arrêter immédiatement. Il s’agit d’un impératif moral, juridique et humain : reconnaître les faits, les nommer, se tenir aux côtés des victimes et exiger la fin de la destruction et de l’extermination pendant qu’elles se déroulent. (...)

C’est le moment d’agir. C’est le moment de sauver ceux qui ne sont pas encore perdus à jamais et d’utiliser tous les moyens disponibles en vertu du droit international pour mettre fin au génocide des Palestiniens par Israël.

Lire aussi :

 (Thread Reader)

Traduction en thread de cet excellent texte de @yuval_abraham

« Après le 7 octobre, un groupe appelé « cellule de légitimation » a été mis en place au sein du renseignement militaire israélien (Aman)...

Il est composé d’agents du renseignement chargés de rechercher des informations permettant de donner une « légitimité » aux actions de l’armée à Gaza – tirs ratés du Hamas, utilisation de boucliers humains, exploitation de la population civile, tout ce que vous connaissez.
2/12
La principale mission de cette cellule consistait à trouver des journalistes gazaouis qui pourraient être présentés dans les médias comme des membres du Hamas déguisés. Ils ont consacré des journées entières à cette tâche...

3/12
Ils ont passé activement en revue des journalistes... sans rien trouver. Pourquoi chercher un journaliste sous couverture ? À ma compréhension, parce que cela offre une « légitimité » médiatique au meurtre généralisé de journalistes.

4/12
Il suffit, par exemple, de présenter un hôpital comme quartier général du Hamas pour justifier la destruction de tout le système de santé. Un tir raté du Hamas qui touche des civils, et ensuite, qui sait ? Peut-être que toute mort de civil est attribuable au Hamas ?

5/12
Semer le doute comme méthode pour blanchir les atrocités. Trouver un journaliste qui serait un militant déguisé permet de blanchir le meurtre de tous les autres journalistes.

6/12
La nuit dernière, l’armée a tué quatre journalistes à Gaza. Elle a reconnu que la cible était Anas al-Sharif. Depuis deux ans, al-Sharif mène un travail journalistique systématique et courageux, rapportant au monde entier l’anéantissement de son peuple.

7/12
Pendant ce temps, la plupart des médias israéliens ont banalisé le massacre, la famine et la destruction, trahissant ainsi leur profession. Cette trahison se poursuit aujourd’hui dans les titres qui rapportent la mort d’al-Sharif...

8/12
Ils reprennent intégralement le communiqué du porte-parole de Tsahal. L’armée a présenté des documents affirmant qu’al-Sharif avait rejoint le Hamas en 2013, alors qu’il avait 17 ans.

9/12
Un·e journaliste qui, à ce stade, après d’innombrables mensonges, ne met pas en doute les déclarations du porte-parole de Tsahal manque tout simplement à sa mission. Mais même si l’on suppose que c’est vrai, cela ne change rien.

10/12
Selon cette logique, la grande majorité des journalistes israéliens, s’il existe un document montrant qu’ils ont servi dans l’armée ou fait des périodes de réserve, deviennent des cibles légitimes à éliminer.

11/12
Sa localisation était connue depuis des mois. Pourquoi le tuer maintenant ? À la veille des projets de conquête de la ville de Gaza ? La réponse est évidente. »

Yuval Abraham, journaliste israélien.

12/12 FIN.


Amnesty International
Pétition Génocide à Gaza : la France doit mettre fin à l’impunité d’Israël 

Pétitions citoyennes ➡️ Assemblée Nationale : Demande de sanctions à l’encontre de l’État d’Israël et de ses dirigeants en raison de violations graves du droit international

Pétitions citoyennes ➡️ Assemblée Nationale : GAZA A FAIM : Pour un accès immédiat, sans conditions, à l’aide humanitaire !