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En Martinique : « On demande du pain et on nous donne du plomb »
#Martinique #prix #inegalites #multinationales #Etat
Article mis en ligne le 20 novembre 2024
dernière modification le 18 novembre 2024

Depuis deux mois, les Martiniquais·es sont mobilisé·es contre la vie chère. Emmené·es par le Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéens (RPPRAC), iels exigent la réduction des prix sur l’ensemble des produits alimentaires. Entretien avec une militante impliquée dans le mouvement.

oilà une quinzaine d’années que l’histoire des outre-mer français s’émaille de grands mouvements sociaux1. Depuis le 1er septembre dernier, c’est la Martinique qui relance l’offensive contre la vie chère, vieille problématique des territoires ultramarins, où la grande pauvreté touche 5 à 15 fois plus que la France hexagonale. Dans le giron des manifestant·es ? Les grands groupes, détenus par quelques descendant·es de colons, qui contrôlent le marché, margent grassement sur le dos de la population et refusent d’être transparents sur la façon dont leurs prix sont fixés. Sur une île avec peu d’industries et où l’immense majorité de ce qui est consommé est importée, ils font la loi. À cela, les Antillais·es ont donné un nom : la « pwofitasyon », ou l’exploitation outrancière opérée par ces monopoles économiques et financiers.

À l’initiative de la mobilisation actuelle en Martinique : le Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéens (RPPRAC), un collectif récent qui prône une pluralité des causes (environnementales, judiciaires, sociales, culturelles). Ses membres sont sur le pont nuit et jour pour participer aux négociations avec les autorités locales, tout en coordonnant et soutenant les actions de barrages routiers, de blocages de ronds-points et de désobéissance civile dans les supermarchés. Le 26 septembre, alors que le mouvement prend de l’ampleur, il est rejoint par la CGT Martinique. Réponse de Paris : « On va rétablir l’ordre » martèle Bruno Retailleau, tandis que Michel Barnier prévoit d’amputer 250 millions d’euros de dotations annuelles sur le budget des outre-mer dans son projet de loi de finances 2025. Puis le 16 octobre dernier, le préfet de Martinique Jean-Christophe Bouvier décide de signer un accord avec les distributeurs au nez et à la barbe des Martiniquais·es. Le jugeant insuffisant, le RPPRAC quitte la table des négociations.

La mobilisation continue. Entretien avec Gwladys Roger du RPPRAC. (...)

Quelles sont les actions qui ont été initiées depuis le 1er septembre ?

« Nous avons essayé d’éviter les traditionnelles marches devant la préfecture et sur les routes qui ne nous ont jusqu’ici rien apporté de concret. À la place, nous avons opté pour des actions de désobéissance civile non violentes, telles que les opérations “caddie vide” dans les hypermarchés. Cela consiste à remplir des caddies, examiner le montant à la caisse, puis à faire retirer les articles un à un jusqu’à repartir les mains vides. On a commencé par des produits secs, puis on est passé aux produits surgelés. Cela engendre des pertes légales aux supermarchés, obligés de jeter les produits une fois la chaîne du froid interrompue. Ces opérations ont été répétées jusqu’à la fermeture des magasins, trop impactés dans leur chiffre d’affaires. » (...)

Le mouvement s’étend-il aux autres DROM-COM5 ?

« Oui, nous avons des représentants en Guadeloupe et à la Réunion. Ils nous ont soutenus dès le début. On fait tous face au même problème, avec un dénominateur commun : les mêmes groupes de grande distribution [voir encadré]. Partant de là, une fois la solution trouvée chez nous, nous pourrons l’appliquer aux autres territoires, à condition qu’ils l’acceptent. Nous avons décidé, en accord avec nos valeurs, que nous n’accepterons pas de solution qui ne concerne que nous. Notre but est de remporter une victoire qui bénéficiera à tous. » (...)

Voilà ce qui nous arrive : on demande du pain et on nous donne du plomb ! Nous subissons une répression d’une intensité que nous n’avions pas connue depuis les années 1960, époque à laquelle un décret avait banni ce type de brigade de notre territoire suite au décès de trois personnes. Mais aujourd’hui ça recommence, et des gens frôlent la mort ! Rodrigue Petitot, président du RPPRAC, a été blessé à la main alors qu’il tentait de fuir les CRS. Au Carbet, des personnes âgées et des pêcheurs qui manifestaient pacifiquement ont été agressés par des CRS, avec un maire impuissant à maintenir le calme. Face à la violence, même nos élus semblent démunis, car le pouvoir est bel et bien entre les mains du préfet. » (...)

Il est grand temps que cela cesse. Nous maintiendrons la pression jusqu’à ce que notre cause prévale. Aujourd’hui, des syndicats et certains politiciens, malgré nos divergences politiques, sont fermement résolus à résoudre cette injustice. Il n’y a pas d’autre solution pour que la violence cesse. »