
Dans les années 1880 et 1890, 47 autochtones ont été exhibés dans des conditions indignes à Paris et en Europe. Un mémorial inauguré en Guyane leur rend pour la première fois hommage.
Signe que l’événement est historique, les derniers chamanes Kali’nas en activité ont quitté leur village pour rejoindre Iracoubo, commune de l’ouest guyanais. Le 11 août, un mémorial très attendu par les Kali’nas et les Arawaks-Lokonos — deux des peuples « autochtones », le terme « amérindien » étant perçu comme colonial —, vivant en Guyane française et au Suriname, est inauguré dans le contexte de la Journée internationale des peuples autochtones, célébrée chaque 9 août. (...)
Deux femmes de bronze portant le kalimbé traditionnel comme seul vêtement sont dévoilées au public. La plus âgée s’appelle Ahiemaro. La plus jeune, Molko. La première vivait sur le fleuve Sinnamary, dans l’actuelle Guyane, et fut envoyée avec une partie de sa famille à Paris, en 1882. Le voyage était volontaire, mais bercé d’illusions par les mensonges des colons français sur leurs buts réels. La seconde a grandi dans un village de l’actuel Suriname jusqu’à l’année de ses 15 ans, en 1892, date à laquelle elle a aussi été embarquée, avec sa famille, vers la capitale française. (...)
À travers ces deux femmes, sont représentés les 45 Kali’nas et les 2 Arawaks ayant été exhibés sur les pelouses du Jardin d’acclimatation de Paris, puis dans d’autres villes européennes, au cours de ces voyages. Dans ces véritables zoos humains, ceux que l’on nomme alors encore « Galibis » ou « Caraïbes » sont une attraction très populaire. Vêtus d’un simple kalimbé malgré le froid hivernal, entourés de plantes exotiques et bardés d’objets traditionnels, les autochtones sont quotidiennement mis en scène dans des représentations aussi grotesques et humiliantes qu’épuisantes. Neuf d’entre eux mourront de maladie avant d’avoir pu revoir leur terre natale. (...)
« Aujourd’hui marque un acte de reconnaissance et de paix symbolique qui sera gravé dans nos mémoires. C’est un moment fraternel de recueillement pour toute la Guyane et ses composantes », affirme Éric Louis, yopoto et président du Grand Conseil coutumier de Guyane, une organisation représentant les cultures autochtones de la région. (...)
Vitalité culturelle, combats politiques
L’inauguration, ayant réuni 400 personnes et les principaux élus de Guyane, a aussi permis de mettre en valeur les identités et les cultures des peuples autochtones. (...)
Ces journées sont aussi très politiques, dans un contexte où ces derniers militent pour la reconnaissance de leurs droits et une meilleure représentativité, y compris dans les instances locales. Ils réclament par exemple que Paris ratifie la Convention 169 de l’Organisation internationale du travail (OIT), à ce jour le seul instrument contraignant protégeant les droits fondamentaux des peuples indigènes dans le monde, mais aussi leur capacité à s’autodéterminer ou protéger leur environnement. Contrairement au Brésil, à l’Espagne ou au Mexique, la France a toujours refusé au nom de « l’indivisibilité » constitutionnelle de la République. (...)