
Le Centre national d’études spatiales, gestionnaire de la base spatiale de Kourou, comparaîtra le 1er décembre 2025 devant la justice pour des atteintes illicites à la conservation d’un habitat naturel et d’espèces protégées. Des délits que les services de l’État sont soupçonnés d’avoir couverts.
S’étendantS’étendant sur 650 kilomètres carrés, le Centre spatial guyanais (CSG) est un immense site industriel implanté sur un écosystème foisonnant : les savanes de la bande littorale. Celles-ci accueillent 16 % de la biodiversité floristique de la Guyane, sur 0,3 % du territoire. Un écosystème aussi abondant que sensible, dont la surface a diminué de moitié depuis la départementalisation en 1946, sous la pression du développement urbain et agricole.
Détenant 23,8 % des savanes restantes, le Centre national d’études spatiales (Cnes) se doit de jouer un rôle essentiel dans la préservation de ces espaces à forts enjeux écologiques. Il présente d’ailleurs la base spatiale de Kourou comme un « sanctuaire environnemental » hébergeant une faune et une flore parfois endémiques.
Toutes les personnes visitant des installations spatiales y sont sensibilisées. (...)
S’étendant sur 650 kilomètres carrés, le Centre spatial guyanais (CSG) est un immense site industriel implanté sur un écosystème foisonnant : les savanes de la bande littorale. Celles-ci accueillent 16 % de la biodiversité floristique de la Guyane, sur 0,3 % du territoire. Un écosystème aussi abondant que sensible, dont la surface a diminué de moitié depuis la départementalisation en 1946, sous la pression du développement urbain et agricole.
Détenant 23,8 % des savanes restantes, le Centre national d’études spatiales (Cnes) se doit de jouer un rôle essentiel dans la préservation de ces espaces à forts enjeux écologiques. Il présente d’ailleurs la base spatiale de Kourou comme un « sanctuaire environnemental » hébergeant une faune et une flore parfois endémiques.
Toutes les personnes visitant des installations spatiales y sont sensibilisées. (...)
Cette communication vertueuse entre pourtant en contradiction avec les pratiques de la base, comme le révèle Guyaweb, au terme d’une enquête de plusieurs mois menée en collaboration avec le média Reporterre et l’Agence France-Presse (AFP). (...)
Le Centre national d’études spatiales, gestionnaire de la base, est en effet visé par une enquête judiciaire depuis 2022. À son terme, la convention amiable proposée par le parquet a été rejetée. L’établissement public est depuis renvoyé devant le tribunal judiciaire de Cayenne dans le cadre d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), procédure de « conciliation » entre les parties, évitant au Cnes un procès en correctionnelle. Il devait comparaître dans ce dossier lundi 6 octobre avant que l’audience ne soit reportée jeudi au 1er décembre 2025. (...)
Il est reproché au gestionnaire de la base spatiale la destruction d’habitats sensibles et d’espèces protégées dans le cadre de travaux non autorisés. (...)
Ainsi, au moins quatre espèces animales protégées et leurs habitats ont été détruits lors de travaux de terrassement menés en 2022. (...)
L’établissement public n’avait pas encore obtenu les autorisations nécessaires, toujours en cours d’instruction par les services de l’État, au début des travaux. (...)
De mars à juin 2022, le Cnes a été notifié dans ce contexte à trois reprises (le 22 mars, le 9 mai et le 3 juin) par la DGTM du caractère illégal de ses travaux de terrassement. Au lieu de les stopper et de régulariser sa situation, l’agence spatiale française les a poursuivis et a omis d’en informer le service instructeur, malgré plusieurs réunions avec ce dernier.
D’après les éléments en notre possession, le choix de poursuivre les travaux et d’outrepasser des normes environnementales a été motivé par des impératifs économiques et industriels. (...)
Ce n’est finalement que le 13 septembre 2022, après huit mois d’illégalité, que le chantier cesse à la réception d’un projet d’arrêté de mise en demeure de régularisation émanant de la préfecture. Cet arrêté sera publié deux mois plus tard. Il fait suite à plusieurs contrôles de l’Office français de la biodiversité (OFB) et de la DGTM.
Lors d’un de ces contrôles inopinés, mené le 4 août 2022 au CSG, les agents de la DGTM découvrent alors un autre chantier débuté avant la fin de la procédure d’autorisation : l’aménagement d’un parc photovoltaïque dit « PV2 » en bordure de la route de l’Espace, d’une surface de 4,7 hectares pour une puissance de 5 GW.
Une pratique courante
Ainsi, parallèlement au projet Callisto, le Cnes a de nouveau ignoré la législation environnementale en vigueur et a déboisé ce site courant 2022, dans le cadre de fouilles archéologiques préventives pour le projet « PV2 ». Et ce, malgré la présence connue dès novembre 2021 d’espèces protégées et l’instruction toujours en cours de demandes de dérogation.
En tout, selon l’enquête de l’OFB, 2,11 hectares d’habitats patrimoniaux abritant huit espèces protégées ont été détruits par cette opération. L’affaire, rattachée comme « infraction connexe » au dossier Callisto par le parquet, sera aussi jugée le 1er décembre 2025. (...)
Au Centre spatial guyanais, ces manquements aux procédures ne sont pas des cas isolés. (...)
Les manœuvres des services de l’État
Bien conscient des enjeux financiers et stratégiques du secteur spatial, l’État a mobilisé ses ressources en 2022 pour permettre au Cnes de reprendre rapidement ses travaux et ainsi conserver les subventions. Malgré des manquements manifestes et des faits potentiellement délictueux en cours d’instruction par la justice, les services de l’État ont fait preuve d’une grande mansuétude vis-à-vis du gestionnaire de la base spatiale.
En septembre 2022, une fois les travaux stoppés à la suite de l’enquête de l’OFB, le secrétaire général de la préfecture et le directeur de la DGTM planchent sur une stratégie permettant de concilier les calendriers de régularisation de la procédure et du plan France Relance, et d’accélérer la reprise des travaux. (...)
« Ce n’est peut-être pas réglementaire, mais il faut trouver le moyen d’accompagner les travaux […] L’OFB fait son job, nous faisons le nôtre. Le juge appréciera si nous le faisons mal », écrit le directeur général des territoires et de la mer dans un mail daté du 22 septembre 2022.
Aujourd’hui, la base spatiale dispose de l’ensemble des autorisations environnementales et d’urbanisme nécessaires à la poursuite du projet de réhabilitation du site Diamant, reconnu depuis le 31 mai 2024 comme « projet d’envergure nationale ou européenne d’intérêt général majeur » par un arrêté du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, simplifiant ainsi l’obtention des dérogations environnementales.
Presque prophétique, l’ancien secrétaire général de la préfecture invitait en septembre 2022 la direction du CSG à la plus grande prudence dans le démarrage des opérations lorsque des procédures longues et multiples sont à engager, « car une fois que les associations ou les opérateurs constatent, ce n’est plus dans nos mains mais dans celles, indépendantes, de l’autorité judiciaire ».
9,7 millions d’euros de préjudice écologique (...)
Finalement, la justice a proposé une solution amiable, au travers d’une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP), demandant 10 000 euros d’amende, 20 000 euros de dommages-intérêts et des mesures compensatoires s’échelonnant sur trois ans. C’est la première fois que cette forme de justice contractualisant des mesures de réparation à la place de poursuites était proposée en Guyane. L’expertise commandée par le parquet a cependant chiffré le préjudice écologique à 9,7 millions d’euros et de vingt-trois à cinquante-sept années le temps de restauration nécessaire pour reconstruire le milieu naturel détruit.
Cette CJIP a in fine été invalidée par le tribunal en juillet 2024, la juge Alice Milcent allant contre les réquisitions du parquet en estimant les mesures compensatoires insuffisantes au vu du préjudice écologique. Renvoyé dans le circuit judiciaire, le dossier Callisto a vu se joindre à lui celui de PV2 dans une procédure dite de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) qui, à nouveau, favorise la conciliation entre le parquet et le mis en cause (...)
Le parquet n’a pas souhaité s’exprimer avant l’audience afin de garantir « la sérénité des débats ». Dans l’attente de cette échéance, la direction du Cnes nous a indiqué par retour de mail ne faire « aucun commentaire » et s’en remettre « à la décision de la justice ».