
Le tournant sécuritaire de la politique migratoire européenne va-t-il encore s’accentuer ? Depuis la crise migratoire de 2015-2016, l’Union européenne ne cesse de légiférer pour repousser au maximum les migrants désirant s’établir sur son territoire. Le Pacte sur la migration et l’asile, définitivement adopté le 14 mai, qui vise notamment à lutter contre l’immigration illégale et à accélérer la reconduction en-dehors de l’UE des personnes en situation illégale, en est la dernière illustration. Et alors que ce paquet venait tout juste d’être adopté, quinze États membres ont adressé une lettre à la Commission européenne demandant un tour de vis supplémentaire.
"On observe que pour de nombreux États, l’Europe n’est pas allée assez loin dans le côté sécuritaire et que la question migratoire restera un enjeu de la prochaine législature, avec une ligne de fracture claire entre la gauche et la droite", souligne Ségolène Barbou des Places, professeure à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et directrice du GIS (Groupement d’intérêt scientifique)-Eurolab.
Qu’il semble loin le temps où Bruxelles portait une vision positive de l’immigration. Les premiers textes européens en la matière mettaient en effet l’accent sur l’accueil des étrangers et leur intégration. Ainsi, le traité d’Amsterdam, signé en 1997 et entré en vigueur en 1999, permet à l’Union européenne de définir les conditions d’entrée et de séjour des immigrants légaux et encourage les États membres à prendre des mesures d’intégration, tandis que la directive européenne du 27 janvier 2003 établit des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile.
Un premier tournant sécuritaire s’opère après les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, du 11 mars 2004 à Madrid et du 7 juillet 2005 à Londres. Les contrôles aux frontières sont accentués et de nouveaux fichiers voient le jour. C’est également à cette époque, en 2004, que naît l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne (Frontex) – rebaptisée Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes en 2016. (...)
"L’obsession que les migrants n’arrivent pas sur le territoire européen" (...)
"La logique du système de Dublin est toujours en place, rien n’a changé. Il était question au départ de solidarité dans l’accueil et finalement celle-ci est devenue financière et dans le but de faire des contrôles. C’est un dévoiement de l’idée de solidarité", juge Ségolène Barbou des Places, même si le Pacte propose aussi des dispositions pour améliorer les conditions d’accueil et les uniformiser à travers l’UE.
Par ailleurs, le Pacte confirme le virage à 180° opéré ces vingt dernières années par l’Union européenne sur la question migratoire. "Il y a désormais une obsession : tout faire pour que les migrants n’arrivent pas sur le territoire européen", insiste la chercheuse.
Si bien que la question de l’immigration légale a été laissée de côté, alors qu’elle reste de loin la plus massive avec plus de trois millions d’arrivées par an (...)
Autant de questions sur lesquelles les têtes de liste françaises aux élections européennes se sont positionnées durant la campagne. (...)