Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
RFI
En amont de la COP29 en Azerbaïdjan, une répression accrue sur les voix dissidentes
#COP29 #Azerbaidjan
Article mis en ligne le 7 novembre 2024
dernière modification le 4 novembre 2024

(...) la conférence annuelle de l’ONU sur le climat s’ouvre dans un pays où exprimer des positions critiques à l’égard du pouvoir en place peut valoir la prison. La pression sur les militants des droits de l’homme, les journalistes et, dans une moindre mesure, sur les défenseurs de l’environnement, s’est accrue depuis que Bakou s’est vue attribué, en décembre 2023, l’organisation de la COP29, alors que Bakou venait de récupérer par la force le territoire du Haut-Karabagh.

Anar Mammadli allait chercher son fils à la crèche quand la police l’a appréhendé. Des hommes masqués l’ont emmené à bord d’un véhicule noir, selon Amnesty international. C’était le 29 avril 2024. Depuis, il n’est pas ressorti de prison. S’il est reconnu coupable, il encourt huit ans d’enfermement pour « complot en vue d’introduire illégalement de l’argent dans le pays », selon son collègue Bashir Suleymanli. Encore faudrait-il qu’il y ait un procès. Et celui-ci n’aura très probablement pas lieu avant la conférence onusienne pour le climat, du 11 au 22 novembre. (...)

Mi-juin, l’Union pour la liberté des prisonniers politiques d’Azerbaïdjan dressait une liste de 303 prisonniers politiques, 16 personnes de plus que trois mois auparavant. (...)

« Le plus inquiétant concernant les récentes arrestations, c’est qu’il y a un certain nombres d’allégations de mauvais traitements et de tortures ». (...)

À l’approche de l’évènement onusien, qui attire chaque année des dizaines de milliers de personnes de 197 pays, dont de hauts responsables politiques, la présidence azerbaïdjanaise de la COP29 a beau jeu de reprendre la rhétorique convenue du langage diplomatique en promettant « un processus inclusif » dans lequel « les voix de chacun seront entendues, les propositions prises en considération ». Les faits, eux, n’envoient pas de signal favorable. (...)

Dernier exemple en date, le jeune doctorant en sciences politiques Barhuz Samadov, interpellé lui aussi à son arrivée à l’aéroport le 21 août. Le pays est alors en campagne électorale pour les législatives. Ce militant pacifiste de gauche aurait été bastonné et psychologiquement maltraité lors de son arrestation. Il est accusé de « haute trahison », une peine passible de très nombreuses années de prison. Le gouvernement reproche à cet intellectuel actif ses prises de position opposées, dès 2020, à la guerre dans le Haut-Karabagh, ainsi que ses contacts avec le camp arménien. L’Azerbaïdjan a reconquis, en septembre 2023, l’enclave séparatiste à majorité arménienne. Le conflit se poursuit à la Cour de justice internationale où l’Arménie accuse son voisin de « nettoyage ethnique ». Selon une récente enquête de Radio France, Bakou multiplie les efforts pour effacer toute trace de présence arménienne et repeupler ce territoire, déserté par 100 000 Arméniens après l’opération militaire. L’interpellation de Samadov a suivi celle, un mois plus tôt, d’Igbal Abilov, un universitaire issu de la minorité ethnique talysh. Lui aussi est accusé de « haute trahison » en raison de ses recherches ethnographiques.

Les journalistes n’échappent pas à la férule. Une douzaine d’entre eux a été récemment mise sous les verrous. (...)

Malgré la peur, les militants de l’environnement tiennent quelques victoires (...)

Une société civile « décimée »

Grâce à l’entremise du Réseau Action Climat international, une coalition de centaines d’ONG, deux membres d’Ecofront pourront participer aux discussions à l’intérieur de l’arène onusienne. « Quand vous avez un pays comme l’Azerbaïdjan qui accueille la COP, pour que les engagements de lutte contre le changement climatique soient crédibles, il faut que la société civile puisse scruter et questionner l’action climatique. Sinon c’est très difficile de prendre au sérieux ces engagements », expliquait lors des négociations de Bonn Rachel Denber, de l’ONG Human Rights Watch.

Comptant seulement une poignée de membres actifs, Ecofront a fait le choix de rester indépendante et de ne pas s’enregistrer comme ONG officielle. Malgré l’absence totale de ressources, « cela fonctionne », assure Javid Gara, car elle peut compter sur une base de sympathisants virtuels. (...)

Active contre la déforestation illégale, Ecofront dénonce aussi les différentes formes de pollution, comme ici une décharge à ciel ouvert. (...)

Car à partir de 2013, une série de lois sur les subventions (Law on Grants) a implacablement entravé la création d’ONG. Elle rendait leur enregistrement obligatoire auprès du ministère de la Justice afin de contrôler leur financement. Une épée de Damoclès judiciaire prête à tomber sur ceux qui tenteraient de trouver des mécènes à l’étranger, ce qui était jusqu’alors autorisé. (...) (...)

Élections de 2013, Jeux européens à Bakou en 2015, élections et COP en 2024 : à chaque évènement politique et médiatique, son tour de vis sécuritaire.

L’Azerbaïdjan, ancien pays satellite de l’URSS indépendant depuis 30 ans, n’a été dirigé depuis que par deux hommes : Heydar Aliyev, de 1993 jusqu’à sa mort en 2003, succédé par son fils Ilham Aliyev. Réélu avec 92% des voix et sans opposition le 7 février 2024, il ne montre aucun signe d’ouverture politique, tandis que son nom circule dans les plus grands scandales internationaux, des Panama Papers aux Pandora Papers, et que l’Azerbaïdjan, dont les élites se sont enrichies grâce aux réserves d’hydrocarbures, stagne à la 154e place sur 180 au tableau de la corruption établi par Transparency international. (...)

L’ancienne République soviétique a été condamnée à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l’homme. Elle est membre du Conseil de l’Europe, institution de 46 États dont la mission est de veiller au respect des droits humains.

Une « COP de la paix », mais avec qui ?

Cet été, la présidence azerbaïdjanaise a appelé à « une trêve générale » à l’occasion de la COP29 (11-22 novembre), qu’elle souhaite une « COP de la paix » alors que le pays est au carrefour des guerres en Ukraine et au Proche-Orient. Le 15 novembre, au mitan de la COP, sera une journée dédiée à la « paix, au secours et au redressement ». « Les conflits augmentent les émissions de gaz à effet de serre et ravagent l’environnement, polluant les sols, l’eau et l’air. La dévastation des écosystèmes et la pollution provoquée par les conflits aggravent le changement climatique et sapent nos efforts pour sauvegarder la planète », est-il notamment écrit dans « l’appel solennel » publié le 26 septembre.

Le pouvoir à Bakou sait de quoi il parle : un an jour pour jour auparavant, ses chars reprenaient le Haut-Karabagh, région séparatiste à majorité arménienne. (...)

Les voix discordantes de la société civile trop proches du voisin arménien sont étouffées et accusées de « trahison ». « L’appel à la trêve du gouvernement n’est rien d’autre qu’une distraction visant à détourner l’attention des gouvernements étrangers des dures réalités sur le terrain », a déclaré Ibad Bayramov, le fils de Gubad Ibadoghlu, opposant emprisonné à Bakou, dans le journal britannique The Guardian. (...)

La pression de la communauté internationale s’accroît pour qu’un accord soit signé avant ce grand rendez-vous consacré au climat.