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Dubaï : le temple fossile du capitalisme
#cop28 #Dubaï #capitalisme
Article mis en ligne le 5 décembre 2023
dernière modification le 3 décembre 2023

Dubaï, qui accueille la COP28 jusqu’au 12 décembre, est l’incarnation des effets délétères du capitalisme, qu’ils soient climatiques, environnementaux ou sociaux.

L’information a de quoi choquer : Dubaï, ville des stations de ski créées ex nihilo, des travailleurs migrants surexploités et des influenceurs en quête de soleil et d’exil fiscal, accueille jusqu’au au 12 décembre la vingt-huitième conférence internationale pour le climat. L’occasion pour la première ville des Émirats arabes unis (EAU), sixième pays le plus riche au monde par habitant, d’être sur le devant de la scène internationale.

De quoi mettre en exergue, aussi, la capacité jamais démentie du capitalisme à incorporer à sa sauce, de façon cynique, les valeurs au nom desquelles il est critiqué. Bien que symboliques du néolibéralisme dans tout ce qu’il a de plus délétère, c’est Dubaï et un président qui est aussi PDG d’une compagnie pétrolière qui accueillent des négociations cruciales pour l’avenir de la planète et de ceux qui y vivent.

Version paroxystique du système capitaliste

Sans grande surprise, la nouvelle a suscité de vives critiques et des appels au boycott dans le monde occidental. Et ce, alors que cette ville de trois millions d’habitants n’est que la version paroxystique du système capitaliste porté par les dirigeants des pays occidentaux. (...)

la ville a exporté ce que l’on nomme le « modèle Dubaï » aux autres émirats, puis au reste du Golfe persique. (...)

Aucun impôt sur le revenu

Pour attirer des touristes — en 2022, la ville était la deuxième destination la plus visitée au monde — mais aussi des investisseurs internationaux, Dubaï a ainsi recouru dès les années 1980 à des « techniques de marketing d’entreprise » et de « nation branding ». Son allure a évolué rapidement : des îles artificielles ont été construites grâce à l’extraction de 100 millions de tonnes de sable, des immenses gratte-ciel sont sortis de terre — notamment Burj Khalifa, la plus haute tour du monde culminant à 828 mètres — les hôtels de luxe se sont multipliés, dont le Burj al-Arab qui propose, pour 25 000 euros la nuit, sa « suite royale » et ses toilettes en or 24 carats.

Tout cela s’accompagne d’un mode de vie guère durable : selon le Global Carbon Project, en 2021, les EAU étaient le vingt-septième pays le émetteur de gaz à effet de serre au monde, alors même que leur population ne compte que 9,5 millions d’habitants.

Dans le même temps, pour faciliter l’installation d’entreprises étrangères, Dubaï a instauré une politique fiscale extrêmement avantageuse, sans impôt sur le revenu et avec la création de zones franches. De quoi devenir l’un des centres financiers les plus opaques de la planète et un lieu idéal pour « l’argent sale des oligarques et des criminels ». « On est dans la libéralisation extrême du marché et de l’emploi : on ne protège pas les employés, mais les employeurs », indique William Guéraiche, qui souligne comment Dubaï a accompli ce que « tous les États libéraux aimeraient mettre en place ». « Si on regarde bien, en France, le gouvernement Macron ne souhaite pas autre chose », ajoute-t-il. (...)

l’émirat est parvenu « au stade de l’hyper-capitalisme », soit une « synthèse "parfaite" de consommation, de divertissement et d’urbanisme spectaculaire à une échelle absolument pharaonique ». (...)

Comme le souligne François Graas, coordinateur des campagnes et du plaidoyer chez Amnesty Belgique, « toute voix dissidente est réprimée » aux EAU. La situation des droits humains dans le pays est « catastrophique » : opposants incarcérés, restrictions aux droits à la liberté d’expression ou d’association... En outre, les droits des personnes migrantes y sont « bafoués ». (...)

Les infrastructures de la COP28 ont elles aussi été bâties, dans des conditions inhumaines, par des migrants souvent originaires de pays asiatiques vulnérables au réchauffement climatique.

La cité hôte de l’événement affiche en tous cas l’objectif de devenir la ville la plus durable au monde d’ici à 2050. « Les EAU, conscients de la pénurie prochaine de pétrole, voient depuis vingt ans la transition verte comme un domaine prometteur, dans lequel il faut investir », indique William Guéraiche. Mais quand bien même le pays s’est engagé à tripler sa production d’énergies renouvelables d’ici 2030, il est accusé de greenwashing à grands coups de technosolutionnisme et d’écoquartiers réservés aux riches. (...)