
Comme le soldat Ryan, il faut sauver les calottes glaciaires. Le sujet ne fait plus débat. La solution portée par la communauté scientifique, en revanche, ne semble pas vouloir convaincre tout le monde. Heïdi Sevestre est glaciologue. Elle nous explique.
est-il trop tard pour inverser la tendance ? C’est la question qui se pose aujourd’hui. Et entre le Groenland et l’Ouganda (oui, il y a des glaciers, là-bas aussi), Heïdi Sevestre, glaciologue, nous rassure. Oui. Nous pouvons encore sauver les calottes glaciaires !
Le dernier rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) définit un point de basculement comme un « seuil critique au-delà duquel un système se réorganise, souvent de manière abrupte et/ou irréversible ». C’est ce qui vaut aux points de basculement, le surnom de points de non-retour. Et ce qui explique qu’une fois le point de basculement franchi, les conséquences sur l’environnement, la vie et nos sociétés peuvent devenir incontrôlables.
Si nous réussissons à stabiliser puis à réduire nos émissions de GES, nous pouvons encore sauver au moins une partie des calottes polaires. Et au-delà, le permafrost, la banquise ou encore les glaciers de nos montagnes. Parler de réduction de nos émissions pour sauver la glace de nos pôles, ça a vraiment du sens. (...)
des puissances financières qui cherchent à imposer l’idée que le recours à la géoingénierie est devenu incontournable.
C’est ce qu’avance justement le rapport publié en ce mois de juillet par l’université de Chicago (États-Unis) Glacial Climate Intervention : a research vision : « En l’absence de géoingénierie à une échelle suffisante, nous n’empêcherons pas la fonte de la calotte glaciaire. »
Heïdi Sevestre : Ceux qui disent ça se trompent. Leur erreur, c’est d’abord de poser sur la calotte glaciaire un regard d’ingénieur. De la considérer comme une machine que nous pourrions réparer en remplaçant simplement une ou deux pièces. Mais le problème est bien plus complexe que ça. Pour trouver des solutions, il faut enlever ses œillères. Adopter une vision holistique. Se limiter à dire que la glace fond en partie parce qu’elle est attaquée par des eaux devenues trop chaudes, ça permet de croire que nous pourrons arrêter le processus en tirant un rideaurideau sous-marinsous-marin qui empêchera ces eaux profondes d’approcher la glace. C’est extrêmement simpliste. Il n’y a pas que ça qui fait fondre la calotte polaire. Les mécanismes sont plus complexes. (...)
Leur autre erreur, c’est de circonscrire notre problème à la fonte de la calotte polaire. Même si la géoingénierie pouvait être une solution pour l’éviter, tirer un rideau dans le fond de l’océan Austral ne nous mettrait pas à l’abri des autres effets de la combustion des énergies fossiles. (...)
nous ne pouvons pas faire autrement que d’en passer par la décarbonation. C’est dans la décarbonation que du temps et les dizaines de milliards de dollars doivent être investis. Pas dans la géoingénierie. (...)