
Depuis le début du mois d’avril, plusieurs campements de migrants installés dans les oliveraies autour de la ville de Sfax sont évacués par la Garde nationale tunisienne. Le député de Sfax Tarak Mahdi a assisté à certains de ces démantèlements. Proche du président Saïed, il dément les accusations de violences imputées aux forces de l’ordre. Et affirme que les exilés n’ont d’autre choix que de retourner dans leur pays d’origine. Entretien.
Tarak Mahdi : Le démantèlement des campements a été décidé à la suite de nombreuses plaintes déposées par des propriétaires des terres occupées par des migrants. Ces plaintes concernent des vols dans les maisons et des vols de matériel agricole, des violences, des vols à main armée, et même des viols.
La présence des migrants dans les oliveraies a aussi causé des dommages importants aux oliviers. Les propriétaires ont eu du mal à accéder à leurs terres pour effectuer des travaux agricoles ou arroser leurs arbres.
Par ailleurs, des gangs ont commencé à se former dans ces camps. Ils attaquent les passants pour leur voler leur téléphone et leur argent en les menaçant avec des machettes et des couteaux.
Selon les autorités tunisiennes, quelque 20 000 exilés vivaient dans les campements informels dans les oliveraies de Sfax avant les évacuations. Ces camps ont commencé à se former après que les migrants ont été chassés du centre-ville de Sfax durant l’été 2023.
Seule une petite partie des oliveraies a été évacuée, par rapport au nombre de terrains occupés par les migrants africains. Il y a plus de 20 camps entre Jebeniana et El Amra. Les propriétaires ont commencé à labourer les terres qu’ils ont récupérées. Ils ont aussi ramassé ce qu’ils pouvaient des arbres qui n’avaient pas été brûlés ou déracinés par les migrants.
Les migrants cassaient les branches d’arbres notamment pour avoir du bois et se chauffer. Depuis deux ans, InfoMigrants documente la vie dans ces campements grâce à de nombreux témoignages de migrants et d’associatifs. Les habitants y manquent de tout, la situation humanitaire y est extrêmement alarmante. Le manque d’eau potable et de nourriture, les maladies ont déjà provoqué des morts parmi la population migrante. (...)
TM : Parmi les migrants expulsés, plusieurs centaines ont demandé le "retour volontaire". Des bus les ont conduits dans des hébergements temporaires [dans l’attente de leur départ, ndlr].
Il faut maintenant que les organisations responsables fassent leur travail dans les plus brefs délais et que les pays de l’Union européenne (UE) contribuent au financement du retour des personnes dans leurs pays. Cela nécessite plus que les 20 millions d’euros répartis entre trois pays maghrébins. (...)
Ces prises en charge doivent être payés par l’Union européenne (UE) et les Nations unies. Nous ne pouvons supporter les coûts de leur protection, de leur hébergement et de toutes leurs fournitures nécessaires à leur quotidien. Les sommes fournies à la Tunisie ne couvrent même pas le coût des unités de sécurité qui protègent les migrants et les citoyens tunisiens. (...)
IM : Dans des groupes de discussions Whatsapp entre exilés, des personnes évoquent des morts pendant ces évacuations. Pouvez-vous confirmer cette information ?
TM : Il n’y a eu ni mort, ni blessé parmi les migrants africains lors de l’intervention des forces de sécurité tunisiennes. Aucune grenade lacrymogène n’a été tirée. La protection civile, le Croissant-Rouge et le ministère de la Santé ont sécurisé tous les migrants et ont vérifié qu’il n’y avait pas d’enfants, de femmes ou de personnes blessées dans les tentes avant de les évacuer.
Le groupe de défense des droits des migrants Refugees in Tunisia a affirmé sur X le 19 avril dernier qu’un nourrisson de trois mois était mort brûlé dans l’incendie de l’abri de plastique où il se trouvait. Sur sa page Facebook, la Garde nationale tunisienne a démenti et assuré que l’enfant est vivant. Il avait été laissé seul dans la cabane et a été pris en charge par les autorités le temps de retrouver sa mère, selon la Garde nationale.