
Les députés ont adopté jeudi un texte dans lequel « la République française reconnaît sa responsabilité » dans l’empoisonnement au chlordécone des Antilles françaises jusqu’en 1993. Le texte n’a pas qu’une valeur symbolique et prévoit « l’indemnisation des victimes ».
L’ampleur de la catastrophe ne fait pas débat. Le constat, désormais bien établi scientifiquement, est partagé par la totalité des élu·es et des groupes politiques de l’Assemblée nationale (...)
Pas plus que l’ampleur de la catastrophe environnementale, le scandale sanitaire n’est contesté. (...)
Dans ces conditions, et avec autant de constats partagés, comment expliquer que la loi ait été adoptée dans la douleur, après une après-midi de débats houleux, une suspension de séance mouvementée, des invectives et grâce à l’abstention finale du groupe majoritaire et de la droite ? (...)
Le texte adopté par les député·es prévoit finalement dans son article unique que « la République française reconnaît sa responsabilité dans les préjudices sanitaires, écologiques et économiques subis par les territoires de Guadeloupe et de Martinique et par leurs populations résultant de l’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques à base de chlordécone et de leur usage prolongé comme insecticide agricole. »
Un amendement, porté par Maud Petit et d’autres élu·es de la majorité présidentielle, proposait de limiter la portée du texte en reconnaissant seulement « une part de responsabilité [de la République française] dans l’ampleur des dommages causés par l’utilisation » du chlordécone.
Une ligne rouge pour les élu·es de gauche. (...)
Face à la bronca des élus antillais, les amendements de réécriture ont été retirés par leurs autrices, des groupes MoDem et Renaissance.
L’équilibrisme de la majorité
Hostile par principe à la proposition de loi mais empêché de s’y opposer frontalement en raison du constat partagé de la catastrophe environnementale, le gouvernement a tenté un numéro d’équilibriste. Pour sa première intervention dans l’hémicycle en tant que ministre déléguée aux outre-mer, Marie Guévenoux a fait le choix de défendre l’action récente de l’administration et les partis pris du président de la République, Emmanuel Macron. (...)
Ces mots ont fait bondir les député·es de l’opposition de gauche, parmi lesquel·les l’élu (socialiste) de Martinique Johnny Hajjar. « Il n’y a aucune décontamination en cours : l’empoisonnement continue ! », s’indigne-t-il. Tout en critiquant, comme la totalité de ses collègues antillais·es et même ultramarin·es, « des plans Chlordécone I, II, III et IV insuffisants, indigents et sous-financés », l’élu appelle de ses vœux « un accompagnement judiciaire. Cette loi doit accompagner toutes les plaintes judiciaires. Il faut accélérer sur la dépollution et la décontamination des sols mais aussi mettre la priorité sur la recherche ! ». (...)
Après avoir posé clairement la responsabilité de la France qui a autorisé l’épandage du pesticide aux Antilles – alors que sa dangerosité était connue depuis de nombreuses années et que la molécule était interdite aux USA –, la loi s’attaque au douloureux sujet des indemnisations et des réparations.
Le texte finalement adopté précise que la République française « s’assigne pour objectif la dépollution des terres et des eaux contaminées par la molécule et ses produits de transformation, en érigeant comme priorité nationale la recherche scientifique [...], et s’assigne également pour objectif l’indemnisation des victimes de cette contamination et de leurs territoires ».
Un amendement de la députée écologiste Sandrine Rousseau adopté in extremis prévoit, « selon le principe du pollueur-payeur », que « 15 % des profits des firmes qui ont fabriqué ces produits pesticides et fongicides servent à alimenter un fonds de réparation ». (...)