
La réflexion de Dana @danahilliot chez climatejustice.social met en lumière un risque : la critique de la mégamachine thanatique (ce système capitaliste-technocratique autoréférentiel et suicidaire) peut être rendue invisible ou inaudible par la prolifération de revendications spécifiques, parfois perçues comme « ridicules » ou déconnectées des enjeux structurels (ex. : formes extrêmes de véganisme anti-spéciste). Ce phénomène, relevé aussi par Sara Ahmed, interroge la capacité des luttes à rendre lisibles les mécanismes profonds de domination.
(...) Bonnie Honig, dans A Feminist Theory of Refusal, invite à distinguer entre la prolifération de « demandes » qui peuvent fragmenter l’opposition et les stratégies de refus collectif capables de révéler et de combattre les structures de domination. Si chaque lutte particulière risque de masquer la critique globale, la solution n’est pas de les disqualifier, mais de les articuler à une analyse systémique et à des alliances transversales.
Au fond, la question n’est pas la « légitimité » de telle ou telle revendication, mais leur capacité à démasquer la clôture opérationnelle du système (Luhmann), à refuser la neutralisation institutionnelle (Ahmed) et à ouvrir des brèches pour une transformation collective. La vigilance critique consiste à ne pas perdre de vue l’essentiel : faire émerger, à travers les luttes, la critique radicale de la mégamachine et la possibilité d’alternatives véritablement transformatrices.
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Nous assistons aujourd’hui à des bouleversements importants dans la distributions des espèces animales et végétales, et nous pouvons légitimement nous interroger sur le bénéfice qu’il y a à continuer à faire des recensements de cet effondrement de la biodiversité, comme c’est le cas où, à l’occasion d’ un BioBlitz, ou inventaire éclair de la biodiversité qui se déroule sur 24h, se réunissent un ensemble de collecteurs pour établir une liste de collectés .
Grégory Bateson a ouvert un champ complémentaire dans l’écologie, celui de l’écologie des signes, afin d’enrichir la seule approche par les échanges d’énergie et de matière qui ne suffit pas à rendre compte de la complexité de la biosphère (Hornborg, 2001).
Dans « vers une écologie de l’esprit », paru en anglais en 1972, Bateson insistait notamment sur les prémisses fausses qui permettent à certaines idées erronées de survivre, par le simple fait que l’écologie des idées dépend de certaines de ces prémisses « programmées en dur », qui deviennent nodales à une constellation d’autres idées subséquentes. Et notre responsabilité en tant qu’éducateurs, est de former ceux qui vont œuvrer, non pas en leur donnant les bons plans d’action, mais avec les bonnes prémisses pour développer ces plans en prenant appui sur une sagesse systémique.
Bateson proposait notamment de reconsidérer notre approche basée sur une logique classificatoire, issue des catégories descriptives du langage symbolique, si nous voulions mettre en œuvre davantage de sagesse systémique dans notre confrontation à la crise écologique, et attirait notre attention sur le déterminisme multifactoriel, ou complexe de cette crise ; ne serait-il pas temps de suivre ses propositions ?
– https://ecosemiotic.hypotheses.org/324
– Imaginer l’alternative : résister à la clôture suicidaire du système
Penser d’autres possibles, c’est déjà menacer l’ordre établi. Sara Ahmed montre comment le système capitaliste naturalise son hégémonie et tourne en dérision toute alternative. Résister, même à la marge, reste vital face à la #mégamachine.
Sara Ahmed éclaire un mécanisme central de notre époque : l’imagination politique est bridée non par manque d’alternatives, mais par la violence symbolique* d’un système qui se présente comme naturel et inévitable[1][2][9]. Toute tentative d’inventer un autre monde est aussitôt tournée en ridicule ou disqualifiée, non pour ce qu’elle est, mais parce qu’elle menace l’ordre dominant.
Ce phénomène s’explique par deux dynamiques :
- La rationalité instrumentale (Adorno) de la mégamachine thanatique (...)
- L’autoréférentialité des systèmes sociaux (...)
Comme l’a montré Ivan Illich, cette fermeture produit des « monopoles radicaux » : le système devient contre-productif et, à terme, suicidaire. Imaginer une alternative, c’est déjà fissurer cette clôture : la résistance, même minoritaire ou « ridicule », est essentielle pour rouvrir le champ du possible et défier la fatalité imposée par la mégamachine.