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le vent se lève
Contre les féodalités du médicament, nationalisons Sanofi !
#Sanofi #sante #multinationales #nationalisations
Article mis en ligne le 29 octobre 2024
dernière modification le 26 octobre 2024

Obsédé par sa performance en bourse, Sanofi va vendre sa filiale Opella, qui produit notamment le Doliprane, à un fonds d’investissement américain. Une opération financière qui s’ajoute à une longue liste de fermetures de sites de production et de recherche en France, ainsi que d’abandon de certains médicaments pour favoriser d’autres traitements plus rentables. Alors que l’entreprise bénéficie pleinement de l’argent public via la Sécurité sociale et le Crédit impôt recherche et a un rôle stratégique pour la souveraineté sanitaire française, le gouvernement laisse faire. Le député France insoumise – NFP Hadrien Clouet propose au contraire de nationaliser Sanofi, afin de créer un pôle public du médicament répondant aux besoins des Français. Tribune.

(...) Depuis la privatisation, des activités abandonnées pour gonfler les profits

Lors de la privatisation de 1994, la logique de recherche est abandonnée au profit d’une triple dynamique de croissance, d’acquisitions financières et d’internationalisation de l’activité. Dans les années suivantes, Sanofi disloque ses départements de recherche et développement précoce (consacré aux molécules innovantes) en ciblant successivement le diabète, le cardiovasculaire et l’oncologie. Bilan : 3000 emplois supprimés depuis 2006. Et ce, au seul profit des études cliniques en phase avancée et des maladies lucratives, seule préoccupation sérieuse de « Sanofi Pasteur ». Conséquence professionnelle : une chercheuse spécialisée dans les maladies infectieuses sera transférée vers le département… chargé de compiler les événements indésirables dans les cas de cancer. Les qualifications constituent la variable d’ajustement. (...)

D’où le délaissement de certaines percées internes au profit de l’association avec un laboratoire concurrent visant le marché mondial, à l’instar du vaccin contre les infections à pneumocoque (pneumonie, méningite…) conduit avec le laboratoire sud-coréen SK Chemicals. Quoiqu’il en soit, on arrive alors à une contradiction insurmontable : si l’on abandonne l’étape de la recherche précoce, on sacrifie la diversité des molécules à placer sur le marché, d’où la seule option viable de la financiarisation et des opérations d’achat-vente. Dès lors, les financiers remplacent les entrepreneurs dans le conseil d’administration. (...)

En conséquence, comme la plupart des industries pharmaceutiques, Sanofi a entamé la grande transhumance actionnariale, en abandonnant les génériques et les médicaments sans ordonnance pour ne plus se consacrer qu’aux spécialités ultra-lucratives sous brevet pendant plusieurs décennies. Ils tiennent les manettes de l’inflation pharmaceutique, sauf quand un gouvernement leur tient tête et mobilise la licence d’office, au risque de rétorsions vigoureuses devant les tribunaux ou d’embargo informel sur le marché national. Car dans le marché actuel, les laboratoires « d’innovation » déclarent 10% d’excédent brut d’exploitation, contre moitié moins chez les génériqueurs. (...)

Sanofi fait désormais partie des 10 plus grands laboratoires pharmaceutiques du monde. Avec un bénéfice net important de 5,4 milliards d’euros en 2023… dont 80% sont redistribués (ou plutôt gaspillés) auprès des actionnaires. Le dividende a doublé depuis 2007 (avec 4 milliards d’euros versés en plein Covid-19 !), tandis que le PDG perçoit 112 fois le salaire moyen du personnel. Cette explosion du revenu des actionnaires et des dirigeants choque même l’ex-PDG Jean-François Dehecq, en témoigne son intervention dans l’émission Cash Investigation diffusée le 3 mars 2015 sur France 2. Les producteurs de médicaments rêvent aujourd’hui de faire coter l’entreprise à la bourse de New York. (...)

Une société sous perfusion d’argent français mais tournée vers les Etats-Unis

Or, ce fonctionnement nous coûte désormais très cher. Cette entreprise a bénéficié durant de nombreuses années du financement initial de l’Etat. Ensuite, l’absence de transparence dans les prix des médicaments lui permet de dissimuler le coût réel de la production et de la R&D : les prix sont gonflés, mais l’assurance maladie rembourse… (...) un principe actif conçu en France et livré pour conditionnement à une usine en France… peut être acheté à la branche suisse de Sanofi pour un prix élevé, donc refacturé à la Sécurité sociale en l’intégrant au coût de développement déclaré du produit, en plus de déclarer fiscalement sur place (...)

Non content de ces bénéfices records à moindre coût, le géant pharmaceutique a été récemment condamné pour avoir mis en place des mécanismes visant à discréditer le générique de leur médicament phare, le Plavix.

S’y ajoutent les subventions opaques et discrétionnaires (...)

Sanofi est un cas d’école, puisque le CIR lui octroie 150 millions d’euros par an, soit 7% de prise en charge publique de sa R&D totale… qui est pourtant démantelée ! Outre les 3000 postes supprimés déjà mentionnés, on peut se rappeler de cette pantalonnade du vaccin contre la Covid-19 : incapable de produire son propre vaccin en interne, ou d’identifier des partenaires solides dans l’écosystème des start-ups, Sanofi avait même le projet de réserver la primeur du vaccin aux Etats-Unis… qui avaient financé les essais précliniques avec de l’argent public. (...)

Car cette société présentée comme française est devenue anglo-saxonne dans ses marchés et son territoire d’activité, en particulier depuis septembre 2019, avec l’accession à sa tête du PDG britannique Paul Hudson, dont le recrutement était seulement justifié par sa connaissance du marché étasunien (son CV comprend notamment les groupes AstraZeneca ou Novartis), témoignant d’une stratégie d’extraversion accentuée. Un mois plus tard, Sanofi inaugure sa première usine digitale… à Boston (...)

La nécessité d’une nationalisation

En somme, on ne peut pas continuer à dilapider l’argent public et tolérer des décisions irrationnelles et coûteuses pour le plus grand nombre. Puisque la direction se moque des contreparties au nom d’une gestion court-termiste de ses actifs rivée sur les cours boursiers, prendre le contrôle n’est qu’un retour sur investissement – on le sait bien chez moi, à Toulouse, où le centre de recherche a été sabordé et liquidé par la direction. Des licenciements aux regroupements, des restructurations aux fermetures, des ventes de fleurons aux investissements dictés par la rentabilité, il est clair que seule la puissance publique est en capacité d’imposer une planification sérieuse de la production de médicaments, en partant des besoins.

Car les collectifs de travailleurs à Sanofi ont des capacités immenses, actuellement freinées ou sabotées par la direction. D’où l’importance de leur donner une voix directe sur les grands choix de l’entreprise. Ils savent produire, connaissent les délais réels des projets et leurs syndicats travaillent en lien étroit avec les associations et les collectifs de malades. (...)

En outre, la propriété publique de la production de médicaments résout l’hostilité farouche du secteur à toute transparence. (...)

la rentabilité de l’entreprise jointe aux dépenses publiques économisées rembourserait en quelques années le prix même de la nationalisation ! Si nous en arrivons à ce niveau de discussion, c’est que nous avons déjà gagné les consciences.

(...) (...)