Au Soudan, les camps de déplacés accueillent chaque jour des enfants qui portent les lourdes séquelles de la guerre, entre blessures physiques et traumatismes psychologiques. De nombreux mineurs sont également orphelins et livrés à eux-mêmes. Selon LUNICEF, plus de la moitié des personnes ayant fui El Fasher sont mineures. L’Union européenne a par ailleurs annoncé des sanctions contre le numéro deux des Forces de soutien rapide (FSR), accusé d’exactions au Soudan.
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– (Afrique XXI)
Soudan. À El-Fasher, « nous vivons dans l’odeur du sang et de la mort »
Le 26 octobre, la capitale du Darfour du Nord est tombée aux mains des Forces de soutien rapide (FSR) après un siège total de dix-huit mois. Dans les heures qui ont suivi la chute de la ville, des milliers de civils ont été exécutés. Trois semaines après les massacres, l’heure semble plus à la poursuite de la guerre qu’aux négociations (par Orient XXI).
(...)Sur les plus de 70 000 personnes qui ont fui les massacres à El-Fasher, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), moins de 10 000 sont parvenues à atteindre cette zone sous le contrôle du Mouvement de libération du Soudan, l’un des seuls groupes armés officiellement neutre dans le conflit qui ravage le pays depuis avril 2023. Près de 15 000 civils ont réussi à fuir vers le nord du Soudan et quelques milliers d’autres ont trouvé refuge à l’est du Darfour.
« Où sont passés tous les autres ? », s’interroge Iqbal (son prénom a été modifié), horrifiée. Tout juste arrivée à Tawila, cette mère a perdu la trace de ses sept enfants. Lorsque les FSR ont lancé leur ultime assaut, elle veillait sur l’un de ses fils à l’hôpital saoudien d’El-Fasher, où 460 patient·es ont été abattu·es deux jours plus tard par les paramilitaires, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Parvenue à s’enfuir de justesse, elle finit par cacher son fils blessé au milieu d’un bosquet d’arbustes pour qu’il échappe aux griffes des soldats. Arrêtée, elle est détenue pendant trois jours, avant d’être relâchée et de rejoindre Tawila, seule.
« On ne va pas durer longtemps » (...)
« Il n’y a plus rien à manger. Plus aucun médicament. Les gens consomment une fois tous les deux jours de l’ambaz, de la nourriture pour animaux. Mais ces derniers temps, elle n’est même plus disponible sur le marché. Alors on mange des peaux de vache bouillies. On ne va pas durer longtemps », livrait un photographe local quelques jours avant l’assaut final sur El-Fasher. Orient XXI a perdu toute communication avec lui.
« Le monde nous a oubliés »
À l’hôpital saoudien d’El-Fasher, seule structure encore fonctionnelle de la ville, ciblée à de multiples reprises par l’artillerie ou par les drones des paramilitaires, la situation était critique depuis de longs mois. « Les obus tombent dès la prière du matin. Nous manquons de tout. Nous vivons dans l’odeur du sang et de la mort », confiait un médecin sur place quelques heures avant l’assaut. Orient XXI a perdu toute communication avec lui.
« Les mères n’ont plus de lait pour alimenter les nourrissons. Si l’on trouve un peu d’argent, les travées du souk sont vides et l’on s’expose à des frappes de drones. Nous sommes les marginalisés des marginalisés. Le monde nous a oubliés », s’alarmait encore une femme déplacée dans une école. Les près de 260 000 civils – dont une moitié d’enfants – pris au piège avant le dernier assaut vivaient déjà comme « des otages craignant leur exécution prochaine », selon les mots d’un habitant contacté avant la prise de la ville. Orient XXI a perdu toute communication avec lui.
Une ville entière attendait sa mort dans le silence coupable de la communauté internationale. Si les organisations humanitaires tiraient depuis des mois la sonnette d’alarme, décrivant El-Fasher comme « le gouffre de l’enfer » – selon les mots de l’Unicef –, aucune initiative internationale crédible n’a été mise sur pied pour exiger la levée du siège et éviter le scénario du pire : la famine doublée de massacres à grande échelle.
Un nettoyage ethnique amorcé en 2003
La catastrophe était prévisible. (...)
Une journaliste locale, rescapée d’El-Fasher et qui a souhaité rester anonyme, témoigne :
Nous sommes sans nouvelles de milliers de personnes qui ont disparu. Les médecins, les activistes, les politiciens, ont été ciblés. Des dizaines de cas de viols ont été recensés. Ce qui s’est déroulé à El-Fasher n’est pas une guerre entre deux armées, c’est un massacre. Un assaut motivé par la haine ciblant des populations sans défense sur des critères ethniques.
(...)
Si les FSR bénéficient de drones de fabrication chinoise livrés par les Émirats arabes unis, les FAS disposent pour leur part de drones turcs et iraniens. La guerre n’a en effet pas endigué le pillage des ressources naturelles du Soudan au profit de puissances régionales et internationales qui s’enrichissent en abreuvant les deux camps d’armements de pointe, cause de la perpétuation du conflit. Alors que les deux forces bénéficient de réseaux d’alliances internationales antagonistes, toutes les tentatives de médiation semblent vaines.
De vaines négociations de paix (...)